1er
juin - Pression allemande sur le fort de Vaux (rive droite)
Rive droite
Début juin, le général Falkenhayn veut frapper un
grand coup pour enfin en finir avec Verdun !
Il devient en effet urgent et primordiale pour l'Allemagne de dégager
ce point du front ouest qui englouti tant d'hommes. Les raisons sont simples,
les services de renseignement allemand prévoient l'imminence de
3 grandes offensives :
- dans la Somme, conjointement
menée par la France et l'Angleterre ;
- sur le front russe, sans doute en Volhynie
et en Bukovine ;
- sur le front italien.
Il faut donc rapidement
désenclaver Verdun afin de disposer de forces suffisantes pout
répondre au mieux aux événements qui se préparent
Témoignage de
Pétain : "
Le haut commandement allemand commençait à se rendre compte
de la gravité de la situation. La logique eût alors voulu
qu'il desserrât progressivement son étreinte autour de Verdun
pour rechercher, comme le faisait le haut commandement des Alliés,
une autre zone d'action. Cependant il s'obstinait dans son plan : on tenait
l'armée française et on ne la lâcherait pas "
Aux vues des terribles pertes que vient
de subir l'armée allemande dans ses attaques sur le Mort-Homme
et la cote 304, en avril et en mai, il est en effet difficile de comprendre
pourquoi Falkenhayn s'obstine. Cependant, la mise en échec récente
de l'offensive française sur le fort de Douaumont, du 22 au 25
mai, a semble t-il redonné espoir et réveillé des
rêves de victoire
Falkenhayn veut lancer son attaque sur
un front restreint, 5 à 6 km tout au plus, entre la cote du Poivre
et Vaux-Damloup. Son plan, toujours très méthodique, se
décompose en 2 phases :
- Premièrement, conquérir tous les points stratégiques
du secteur d'attaque choisi, en l'occurrence : le fort de Vaux ; l'ouvrage
de Thiaumont ; l'ouvrage de Froideterre ; le fort de Souville et la crête
de Fleury. Y consacrer pour cela le temps nécessaire, malgré
l'urgence, et y employer des forces importantes, jusqu'à 5 divisions
s'il le faut ;
- Deuxièmement, solidement encré sur cette nouvelle ligne
et maître des fortifications en faisant partie, s'élancer
sur Verdun par l'étroit ravin des Vignes dans un suprême
et violent assaut, et conquérir la ville.
La première phase va occuper l'armée
allemande jusqu'au 22 juin, le point culminant étant la bataille
puis le chute du fort de Vaux du 1er et 7 juin. A cette date, 2 crêtes
seulement sépareront l'ennemi de la ville, la ligne Thiaumont-Souville-Tavannes
et la ligne Belleville-Saint-Michel-Belrupt.
La deuxième phase lancée le 23 juin, va venir se briser
le 12 juillet devant le fort de Souville, dernier rempart avant Verdun.
Les Allemands ne seront plus qu'à 3 km de la ville, mais ne parviendront
pas à percer.
Des 2 côtés, les pertes pour juin et juillet seront colossales.
Aujourd'hui, un monument, un grand lion couché, comme mortellement
atteint, symbolise cette extrême limite atteinte par l'armée
Allemande. Dans la soirée du 12, le Kronprinz recevra l'ordre,
puisque les objectifs fixés n'ont pas pu être atteints, "
de se tenir désormais sur une stricte défensive "
L'Allemagne aura dés lors perdue la bataille de Verdun.
Cette bataille qui devait "saigner à blanc" l'armée
française aura également "saignée à mort"
l'armée allemande
Débutera alors, pour les Français, la partie offensive de
la bataille qui se prolongera jusqu'à la mi-décembre.
Le fort de Vaux se dresse à 2600
mètres au sud-est du fort de Douaumont.
Il culmine à 350 m et domine
le village de Vaux et toute la plaine est de la Woëvre
(voir également la partie "Fortifications", "Le
fort de Vaux").
Depuis le 24 mai, le fort est commandé par le commandant Raynal
du 96e R.I.
Sylvain Eugème Raynal est né
à Bordeaux (Gironde) le 7 mars 1867.
Au début de la guerre, il commande le 7e régiment de tirailleurs
algériens.
En septembre, il est blessé légèrement à l'épaule
par une balle de mitrailleuse. En décembre, il est blessé
grièvement par un éclat d'obus et hospitalisé durant
10 mois.
Il retourne au front le 1er octobre 1915, mais quelques jours plus tard,
il est blessé de nouveau par un éclat d'obus à la
jambe. Cette troisième blessure lui vaut d'être promu officier
de la légion d'honneur. Dés lors, la guerre semble terminée
pour lui.
Au début de l'année 1916, la France est en manque d'officiers.
Le ministère de la guerre annonce que les officiers ne pouvant
plus servir en première ligne, de part leur blessure, peuvent se
porter volontaires pour commander une forteresse.
Raynal, juste remis de sa blessure et boitant encore fortement, saute
sur l'occasion et demande à servir dans le secteur de Verdun, ou
l'offensive allemande vient de commencer.
Il est affecté au 96e R.I. et prend le commandement du fort de
Vaux le 24 mai.
La garnison du fort est composée
de 600 hommes alors qu'elle ne peu théoriquement n'en contenir
que 250 : le 2e bataillon du 142e R.I., qui forme la garnison intérieur
du fort et tient les abords extérieurs est ; mais également
des blessés, des restes d'unités décimées,
des égarés accidentellement qui naturellement sont venus
s'abriter là et que l'on ne peut rejeter à la mort. Certains
ont été évacués durant la nuit, mais depuis
plusieurs jours, plus personne ne rentre ni ne sort ; 8000 obus tombent
22 heures sur 24 sur la fortification, à chaque ouverture, un obus
toxique tombe toutes les 5 secondes. Des murs de sacs de sable ont été
érigés à chaque accés afin que les gaz pénètrent
le moins possible.
Dans le fort, la vie est insupportable. Témoignage du lieutenant
Albert CHEREL : "
Il y en avait de tous les calibres : du 77, du 105, à l'éclatement
déchirant ; du 210, du 380, que les soldats avaient surnommé
le "Nord-Sud"à cause du grondement strident de son sillage
dans l'air ; peut-être du 420, car on en trouva un culot près
du corps de garde le lendemain. Ces obus, à certains moments, tombaient
à la cadence de 6 par minute. Il nous semblait vivre au milieu
d'une effroyable tempête. "
Témoignage du lieutenant Albert CHEREL : "
Le fort de Vaux qui avait été bâti pour contenir une
compagnie, en logeait maintenant 6. La circulation était devenue
difficile. L'air était peu respirable, d'autant plus que, sans
cesse, les obus éclatant près des fenêtres ou des
entrées lançaient dans les couloirs leur fumée ou
la poussière de terre et de pierre qu'ils faisaient jaillir.
La poussière avait un autre inconvénient ; elle augmentait
la soif et la rendait insupportable. "
Dans la nuit du 31 mai au 1er juin, le
3e bataillon du 28e R.I. est en ligne non loin du fort. Il est soumis
au bombardement intense que les Allemands produisent sur le secteur du
fort. Dans l'obscurité, blottis au font de leur tranchée,
les hommes succombent les uns après les autres. Chacun attend l'éclat
qui le tuera. A l'aube, le bataillon est entièrement anéanti.
Sa disparition permet à l'ennemi d'avance et de progresser ainsi
jusqu'au ravin du Bazil.
Un coureur est parvenu à rallier
le 1er bataillon du 28e qui est en arrière, en soutien. Le bataillon
se porte aussitôt en avant pour contre-attaquer, malgré le
tir de barrage allemand qui n'a pas faibli. Il est à son tour anéanti
et réduit à 8 hommes en un instant. Il faut noter que de
nombreux obus français tombent également, par erreur, au
même endroit.
Les Allemands poursuivent leur progression
et contournent les 1er et 3e bataillons du 5e R.I., déjà
réduit de moitié par le bombardement des dernières
heures.
Le 3e bataillon du 119e R.I. est alerté et reçoit l'ordre
de monter en ligne en urgence. Il part de Verdun en plein jour et parvient
à rejoindre le 5e R.I. Ensemble, ils réussissent à
stopper l'ennemi, mais le ravin du Bazil est déjà fortement
investi et ne peut être repris. La position des 2 régiments
français reste donc très précaire.
Dans la matinée, le 24e R.I. qui
est en ligne au saillant d'Hardaumont, subit une 1ère attaque qu'il
parvient à repousser à la grenade. Un peu plus tard, une
seconde attaque plus compacte est lancée, les hommes se battent
jusqu'à épuisement total. Les derniers survivants sont fait
prisonniers.
Les Allemands avancent et occupent le saillant d'Hardaumont, puis bientôt,
le ravin de la Fausse-Côte. Ils franchissent la digue puis, après
plusieurs heures de combat, atteignent le bois Fumin et les retranchements
R2 et R3.
Le 101e R.I. qui se trouve à présent
face à l'ennemi alors qu'il occupait quelques heures auparavant
une position retranchée, prend ses dispositions et forme un barrage
compact dans le bois Fumin et devant l'ouvrage R1.
Lorsque la nuit tombe, R1 est à son tour pris d'assaut mais l'ennemi
ne parvient pas à forcer le barrage de mitrailleuses qui a été
mis en place. Les cadavres allemands sont très nombreux devant
la ligne française.
Témoignage du capitaine Delvert, commandant du retranchement R1
: "
Jeudi 1er juin - Ce matin à 8 heures, nous avons vu, en avant de
nous sur les pentes du plateau de Hardaumont, les fantassins sortir comme
des fourmis quand on a frappé du pied une fourmilière.
Ils ont dévalé vers notre tranchée du Saillant (sans
recevoir un coup de canon). Des nôtres se sont repliés précipitamment
vers le ravin de la Fausse-Côte. Nous avons tirés sur les
assaillants, sans grand résultat apparent.
Les Allemands, en colonne par un, se sont ensuite glissés le long
de la voie ferrée. On a vu alors une file de capotes bleues, sans
armes, remonter les pentes de Hardaumont : des prisonniers, soixante à
quatre-vingts
A tout moment passent dans la tranchée des blessés ruisselants
de sang. Ils vont au poste de secours qui est à la redoute.
Et les Allemands défilent sans cesse le long de la voie ferrée
et passent la Digue.
12 heures - Ils abordent R2. Vive fusillade. On résiste ! Enfin
! C'est notre 3e compagnie qui les reçoit. Je suis descendu à
la redoute d'où l'on domine le ravin qui sépare le bois
Fumin de R1. De la redoute et de R2, mitrailleuses et fantassins fusillent
toute larve feldgrau qui rampe sur les pentes de Fumin.
14 h 30 - Ils ont pris R2. Notre gauche est menacée d'être
tournée
A peine installés à R2, ils se sont
mis à creuser en avant une tranchée, à la grande
admiration de nos troupiers.
Maintenant, seul, le ravin nous sépare d'eux. Allons-nous être
cueillis ici comme dans un souricière ? Deux mitrailleuses battent
le ravin.
L'aspect de la tranchée est atroce. Partout des pierres sont ponctuées
de gouttelettes rouges. Par place, des mares de sang. Sur le parados,
dans le boyau, des cadavres raidis couverts d'une toile de tente. A droite,
à gauche, le sol est jonché de débris sans noms :
boites de conserves vides, sacs éventrés, casques troués,
fusils brisés éclaboussés de sang. Une odeur insupportable
empeste l'air. "
A la droite du 101e, le 2e bataillon du
142e R.I., à l'est du fort, vie les mêmes épreuves.
Durant cette journée, tous les éléments
français qui se sont trouvés face à l'ennemi ont
été soit chassés, soit anéantis, soit fait
prisonniers. L'ennemi a réalisé une avancé importante.
De la position qu'il occupe désormais, il est bien placé
pour attaquer le fort de Vaux par l'est.
Durant la nuit, le 2e bataillon du 75e
R.I. monte en ligne et prend position face au côté ouest
du bois de la Caillette.
"
Nous étions 150 au départ des casernes Bévaux, le
1er juin ; quand nous sommes arrivés en ligne, sans avoir encore
été mis en contact avec l'ennemi, il ne restait qu'une trentaine
d'hommes à la compagnie. "
Le 124e R.I. rejoint la tranchée
Fumin. Son 2e bataillon lance aussitôt une attaque à la grenade
qui ne donne pas de résultat sinon d'anéantir presque en
totalité l'une de ses compagnies et d'affaiblir grandement les
autres.
La 52e D.I. (49e et 58e B.C.P., 245e, 291e,
320e, 347e et 348e R.I.) est mise à la disposition de la 6e D.I.
Rive gauche.
Contrairement au front droit, le mois de juin est assez calme sur les
champs de bataille à gauche de la Meuse.
A l'est du Mort-Homme, au nord de Chattancourt,
4 compagnies du 71e R.I. tentent d'améliorer leurs positions. Les
sections de tête progressent d'abord sans difficulté, elles
atteignent l'ennemi lorsqu'un violent tir de barrage et des feux croisés
de mitrailleuses les arrêtent et les déciment. La 8e compagnie
conserve avec peine le terrain qu'elle vient de gagner. Ses pertes sont
de 20 tués (dont 3 officiers) et 60 blessés.
haut
- milieu - bas
2 juin -
Perte du village de Damloup - Siège du fort de Vaux (rive droite)
Rive droite
Depuis plusieurs heures, un intense bombardement par obus asphyxiants
s'abat sur le secteur du fort de du village de Damloup.
Lorsqu'à l'aube, le bombardement s'arrête, le tir de barrage
français ne prend par la relève. Les Allemands, 4 compagnies
d'assaut, s'élancent sur le village de Damloup. Il est alors tenu
par des éléments du 1er bataillon du 142e R.I. Le village
tombe rapidement et les Allemands poursuivent leur progression en montant
vers le fort de Vaux par le ravin de la Horgne.
Ils arrivent bientôt
à proximité du coffre simple nord-est (les coffres de contrescarpe
sont des ouvrages autonomes défendant le fossé intérieur
du fort). Il est protégé par la 7e compagnie du 142e R.I.,
commandée par le capitaine Tabourot, et qui occupe le coffre lui-même
et les abords proches.
Le combat s'engage aussitôt,
mais bientôt, les positions avancées sont contournées
par l'ennemi. Le capitaine Tabourot, les 2 jambes déchiquetées
par une grenade, ordonne aux survivants de se replier dans le coffre simple.
Le capitaine Tabourot parvient à se traîner sur ses moignons
jusqu'à l'entrée ou il est emporté à l'infirmerie.
Le fort de Vaux
Les Allemands tentent alors de pénétrer
dans le coffre. Les Français reculent dans la galerie d'accès,
1 m 50 de haut, moins de 1 m de large, et établissent un barrage
avec des havresacs. Les Allemands le font sauter, il est rétabli
un peu en arrière. Ce dernier barrage parvient à être
défendu durant plusieurs heures mais après 3 tentatives,
les assaillants parviennent également à le faire sauter.
Un 3e barrage de sacs de sable est mis en place plus en retrait, derrière
le premier portail en fer.
Jusqu'au soir, l'ennemi emploiera tous les stratagèmes pour tenter
de faire sauter la porte mais n'y parviendra pas.
Pendant ce temps, un petit groupe de pionniers
allemands est descendu dans le fossé, large de 10 m et profond
de 5, comblé en partie de blocs de béton, a escaladé
le mur de contrescarpe et a atteint la superstructure du fort. Il est
soumis à des tirs venant de 2 mitrailleuses installées dans
des brèches ainsi que venant du coffre double nord-ouest.
Les 2 mitrailleuses
sont nettoyées à la grenade à main et quelques pionniers
se dirigent en rampant vers le coffre double et parviennent à se
hisser sur le toit.
Tout est prévu, ils ont emporté le matériel nécessaire.
Grâce à des tuyaux coudés positionnés devant
les embrasures, ils enfument le coffre avec des lance-flammes. Les mitrailleuses
se taisent. Cependant, elles ne tardent pas à tirer à nouveau
lorsque la fumée s'est dissipée. Il faut tenter autre chose
Ils descendent des grenades dans des sacs de terre, qu'ils font exploser
au niveau des ouvertures, tuant les occupants et mettant les pièces
hors de service.
A 17 h, la
situation du coffre nord-ouest est devenue critique. Le commandant Raynal
ordonne l'abandon du coffre et le replie dans le couloir d'accès,
ou un barrage de sac de sable est mis en place.
Témoignage du commandant Raynal : "
Le sous-lieutenant Denizet de l'artillerie, qui défend le coffre
double, vient me rendre compte que les Allemands, qui sont au-dessus de
sa tête, ont, à l'aide de cordes, descendu des paniers de
grenades juste à hauteur de nos embrasures, les ont fait exploser
et ont mis des pièces hors de service.
D'autres Allemands, rencontrant sous leurs pieds le travail que j'avais
fait faire pour boucher un trou de cinq mètres percé dans
la voûte par l'explosion d'un 380, ont défait de travail
et l'on aperçoit leurs têtes grimaçantes se dessiner
sur le fond du ciel. En lançant des grenades par ce trou, l'ennemi
peut couper les défenseurs du coffre double. Je décide que
ce coffre, dont les pièces sont maintenant inutilisables, sera
évacué et je me clôture de ce côté, par
un barrage, construit avec créneaux pour grenadiers, en arrière
de l'ouverture percée par le 380. "
Dés lors, l'ennemi
est maître des 2 coffres nord-ouest et nord-est ainsi qu'une partie
de la superstructure. Il ne peut reculer, il va, coûte que coûte,
engager une lutte à mort pour conquérir le fort. Les Français,
impuissants, prisonniers dans la fortification, vont défendre chaque
couloir, chaque ouverture, avec acharnement.
En début d'après-midi,
la 4e et la 11e compagnies du 142e R.I. contre-attaquent le village de
Damloup, elles sont anéanties par les obus avant d'atteindre le
village.
Jusqu'au soir, les combats
dans le secteur du fort, sur sa superstructure et dans les galeries d'accès
aux coffres ont été incessants, très violents et
très meurtriers.
Il va en va de même à l'ouvrage R1, ou les éléments
du 101e poursuivent leur lutte Suite du témoignage du capitaine
Delvert, commandant du retranchement R1 : "
Vendredi 2 juin - Nuit d'angoisse, perpétuellement alertés
Nous n'avons pas été ravitaillés hier. La soif est
pénible.
Un obus vient de faire glisser ma plume. Il n'est pas tombé loin.
A en juger par la direction et l'éclatement, c'est du 75. Pièce
décalibrée qui tire trop court. J'envoie une fusée
éclairante et une fusée verte pour qu'on allonge le tir.
Peine perdue.
13 h 30 - La lutte à coups de fusils a repris, plus ardente que
jamais.
20 heures - Les Allemands d'en face sortent de leurs tranchées.
Ici, tout le monde est au créneau. J'ai fait distribuer à
tous des grenades, car à la distance où nous sommes le fusil
est impuissant. Sortais coupe les ficelles des cuillers et nous les expédions.
Ils nous répondent par des grenades à fusils, mais qui portent
trop loin. Ceux qui sont sortie, surpris par notre accueil, rejoignent
la tranchée Sarajevo en vitesse
on voit des ombres s'enfuir
précipitamment et se diriger vers l'arrière ; sans doute
la seconde vague qui se dérobe... Si nous avions un tir de 75 maintenant
ce serait parfait.
22 heures - Un homme arrive du poste du colonel avec cinq bidons d'eau
- d'on un vide - pour toute la compagnie. Ce sont des bidons de deux litres.
Cela fait neuf litres, à peu près, pour soixante homes,
huit sergents et trois officiers. L'adjudant Dubuc fait devant moi, avec
une parfaite équité, la distribution de cette eau qui sent
le cadavre. "
A la nuit, un bataillon
du 53e R.I. et la 63e D.I. (216e, 238e, 292e, 298e, 305e et 321e R.I.)
viennent renforcer les positions françaises très précaires
entre le fort et Damloup (le 298e se dirige sur Tavannes).
Durant ces 2 journées
d'intenses combats, l'infanterie française totalement désorientée
a soit été totalement inexistante à des moments cruciaux,
comme l'assaut allemands sur le fort, soit a tiré à de nombreuses
reprises sur ces propres positions.
Ces erreurs, si elles avaient pu être évitées, auraient
rendues la tâche beaucoup plus dure aux assaillants.
Témoignage du major RIBELAY du 58e R.A.C. : "
Le capitaine Tabourot, ce héros magnifique dont on ne peut écrire
le nom qu'avec un frémissement de respect, a eu avant de mourir
une parole atroce. Sitôt l'attaque allemande déclenchée,
il avait demandé à plusieurs reprises notre tir de barrage.
Pris de colère devant le silence de notre artillerie, qui avait
permis l'encerclement du fort de Vaux et allait rendre inutiles tout ce
courage dépensé par ses hommes et toutes ces morts, il s'écria
en tombant frappé à mort lui-même : " Ecoutez
bien mon dernier ordre, vous là ! Ceux d'entre vous qui pourront
s'échapper, qu'ils aillent casser la gueule aux artilleurs ! "
Venant d'un tel homme, de tels propos ne peuvent être passés
sous silence. Ils appellent des commentaires.
Nous avons eu l'occasion de relever des erreurs et des fautes de notre
artillerie.
Le 1er juin, nos 75 ont à plusieurs reprises tiré sur nos
propres tranchées. C'était là un accident presque
fatal en cette bataille de Verdun où l'on demandait au matériel
le même surmenage qu'aux hommes, mais cet accident n'est excusable
que s'il demeure un accident et ne tend pas à devenir une règle.
Le 2 juin, à de nombreuses reprises, "l'accident" se
reproduit. Il se reproduira encore le 3 juin, puis le 4, puis chaque jour,
peut-on dire en ce début de juin. Mais la journée du 2 juin
mérite un examen spécial car c'est au cours de cette journée
que se sont accumulés accidents et erreurs d'une façon quasi
systématique.
Quelques
traits du tableau d'ensemble :
"
Un officier du 53e arrive à la redoute avec une horrible blessure.
Un éclat très large lui a labouré latéralement
toute la face avant du corps. Le front est ensanglanté, la bouche
dégoutte de sang. Les bras, les mains, la poitrine, les jambes,
tout ne paraît qu'une plaie. Il est hagard, fou de colère
contre l 'artillerie. Une compagnie de 90 hommes en a perdu 40 en quelques
minutes. Six mitrailleuses ont été démolies et leurs
servants tués. Et le tir continue toujours. Il a lancé plus
de 100 fusées vertes sans résultat. Il n'y a rien à
faire qu'à se terrer contre notre propre tir. "
(D'après un récit du sous-lieutenant G. HUGUENIN du 142e
R.I.)
Enfin,
les 75 se décident à allonger leur tir, mais ils l'allongent
tellement que nos obus vont frapper les objectifs anciens, bien en arrière
des nouvelles lignes allemandes. Ce sont des munitions gaspillées.
Il y a plus grave encore.
Le tableau de tir, sur ce point du front, le 2 juin, se lit de la façon
suivante :
A - Barrages à 0 h 45, à 1 h 45 et à 2 h 15.
B - Barrages en avant du fort à 2 h 45, à 3 h 15, à
3 h 45 et à 4 h.
C - Entre 4 h et 10 h 45, 2 tirs de barrage, l'un à 7 h 30 et l'autre
à 9 h.
D - De 11 h à 17 h 40, silence. A 17 h 40, reprise de la cadence
de tir.
Reprenons
les divers points de ce tableau :
A - Les barrages ont permis, avec leurs longs intervalles, tous les préparatifs
de l'attaque allemande ; pourtant cette attaque n'était nullement
imprévue puisqu'elle avait été précédée
d'un tir de préparation de 20 heures.
B - Les barrages après l'attaque sont demeurés sans effet
pour la défense du fort puisqu'ils sont tombés au-delà
des tranchées que venaient d'occuper les Allemands.
C - Deux tirs de barrage seulement entre 4 heures et 10 h 45, c'est une
plaisanterie hors de propos, après une attaque comme celle que
vient de subir le fort. L'ennemi a eu ainsi tout loisir pour approfondir
et creuser la tranchée qu'il nous avait enlevée.
" Du fort, impuissant, la rage au cur, nous regardions les
travailleurs ennemis qui, profitant de cette tranquillité, se promenaient
à découvert, fumaient tranquillement la pipe sur les parapets
et faisaient même des gestes pour nous narguer. "
(D'après un récit du sergent Henri MATHIEU du 142e R.I.)
D
- Quant au silence entre 11 heures et 17 h 40, il défie tout commentaire.
"
Rive gauche
R.A.S.
Front au 2 juin 1916
haut
- milieu - bas
3 juin -
Siège du
fort de Vaux (rive droite)
Rive droite
A 2 h, le 2e bataillon du 75e R.I. tente une attaque vers la Caillette
mais ne parvient pas à progresser. A 9h, une nouvelle tentative
donne le même résultat.
Les 1er et 2e bataillons du 119e R.I. attaquent
en haut du ravin du Bazil mais ne parviennent pas à forcer la ligne
allemande. Plus tard, ils repoussent 2 violentes contre-attaques.
Le commandant Raynal envoie un pigeon à
la citadelle de Verdun pour demander un tir d'artillerie sur les dessus
du fort. Cependant, lorsque que l'oiseau arrive à destination,
il est blessé et a perdu la bague contenant le message. Il était
le suivant : "
Les pertes de l'ennemi sont effroyables, mais il reçoit sans cesse
des renforts, des troupes fraîches qui escaladent le fort, travaillent
sur le dessus et autour de l'ouvrage. Il occupe nos anciennes tranchées
qu'il a armées de mitrailleuses ; il est même parvenu à
en installer sur le dessus du fort. "
Cependant, à 5 h, un avion français
parvient à survoler l'ouvrage et à rendre compte de la situation.
Peu de temps après, le tir que souhaitait le commandant Raynal
s'abat sur le fort. Les pionniers allemands se réfugient dans les
coffres de contrescarpes conquis la veille.
Dans la matinée, 2 bataillons du
53e R.I. qui sont en position dans le secteur du fort, reçoivent
l'ordre de se porter au nord de l'ouvrage et de tenter une attaque. Leurs
actions ne donnent aucun résultat mais il fallait s'y attendre,
ses hommes sont trop épuisés par plusieurs jours de bombardement.
Il est prévu de réaliser une attaque de plus grande envergure
le lendemain à l'aube.
Toute la journée, les combats de taupes se poursuivent dans les
2 galeries enfumées qui relient les 2 coffres nord au cur
du fort. Mais la situation reste inchangée.
Quelques détails de ces combats, témoignage du Kurt Von
Raden, correspondant de guerre allemand : "
Un escalier descendait profondément, puis venait un court palier,
puis un roide escalier montant jusqu'à une solide porte en chêne
qui empêchait d'aller plus loin. Le lieutenant des pionniers Ruberg
décida de faire sauter cette porte en y plaçant tout ce
qu'il fallait de grenades à main et de mettre à profit la
confusion qui s'ensuivrait pour donner l'assaut avec ses soldats. Pour
n'être pas elle-même anéantie par l'explosion, il fallait
que le troupe gagnât assez de temps pour pouvoir, la mèche
une fois allumée, descendre l'escalier et remonter de l'autre côté,
ce qui exigeait au moins un cordon brûlant vingt secondes.
Le
lieutenant Ruberg, à défaut de pétards explosifs,
lia donc ensemble une douzaine de grenades ; il les assujettissait contre
la lourde porte, lorsqu'il entendit, derrière celle-ci, le chuchotement
des Français et le petit crépitement significatif d'un cordon
Bickford. Il n'avait donc plus le temps de la réflexion car, en
une demi-minute au plus, la porte allait sauter de dedans, et les Français
auraient, dans ce cas, la supériorité morale de l'assaut.
Il fallait donc les devancer. Le lieutenant fit signe à ses hommes
de se garer, tira le détonateur normal d'une des grenades à
main qui fonctionne en cinq secondes, et se jeta au bas de l'escalier
pour n'être pas lis en pièces. Il était à mi-chemin
quand se produisit une formidable explosion : la charge posée par
les Français sautait en même temps que l'autre, sous son
action. La pression de l'air lança le lieutenant à quelques
mètres plus loin, et il reçut dans le dos plusieurs éclats.
Ses pionniers se jetèrent en avant dans le couloir, arrivèrent
jusqu'à un croisement, mais furent alors reçus par deux
mitrailleuses placées à angle droit environ à dix
pas en arrière, si bien qu'il devint impossible de pousser plus
loin. Il fallu patienter toute la nuit. "
A l'ouvrage R1, le combat
continu. Capitaine Delvert, commandant du retranchement R1 : "
Samedi 3 juin - Il y a près de soixante-douze heures que je 'ai
pas dormi. L'ennemi attaque à nouveau au petit jour (2 h 30).
- Du calme, les enfants ! Laissez-les bien sortir ! On a besoin d'économiser
la marchandise.
Un craquement d'explosions bien ensemble ! Bravo ! On voit les groupes
allemands tournoyer, s'abattre.
A 3 h 30, ils en ont assez et rentrent dans leur trou
A 6 heures, les brancardiers allemands sortent pour ramasser leurs blessés.
J'empêche de tirer dessus.
Comme les Allemands passent sans discontinuer la Digue, qu'ils occupent
R2, nous sommes menacés d'encerclement. La situation est vraiment
terrible. Un angoisse indicible serre le cur. Et nous sommes toujours
accablés d'obus.
A 14 heures, une rafale me démolit deux mitrailleuses, m'enterre
toutes les munitions, hache un servant, en blesse deux autres. A 17 h
15, nouvelle rafale
Ce soir, préparation d'artillerie formidable de la part des Allemands.
Nous serons sûrement attaqués de nouveau. Je fais rétablir
la plate-forme de mitrailleuse démolie dans la journée et
mettre en batterie une des deux pièces qu'on à pu réparer
Pour boire, comme il pleut, les hommes ont mis leurs quarts dehors et
établi des toiles de tente.
A 20 h 30, ces messieurs d'en face sortent de Serajevo.
Les Allemands sont accueillis à quinze mètres d'un tel barrage
à la grenade, appuyé par un tel feu de mitrailleuses, qu'ils
n'insistent pas. L'attaque est arrêtée net
Les obus se remettent à tomber. "
Toute l'après-midi, le bombardement
allemand est très violent sur les bois de Vaux-Chapitre, de la
Vaux-Régnier et de la Montagne, les ouvrages de Souville et de
Tavannes, la batterie de Damloup et ses abords.
Rive gauche
R.A.S.
haut
- milieu - bas
4 juin -
Siège du fort de Vaux (rive droite)
Rive droite
Dès 2 h, la contre-attaque prévue la veille par les
Français est lancée. Cependant, un seul bataillon du 298e
R.I. y participe. Il ne peut prétendre seul à débarrasser
les éléments du fort des forces ennemis qui en sont maîtres.
Il s'élance cependant avec courage et énergie, et parvient
à reprendre un élément de tranchée au nord-ouest.
Il ne pourra pas progresser d'avantage, soumis aux tirs des mitrailleuses
allemandes venant des coffres de contrescarpe.
Le commandant Raynal qui a suivi cet assaut
censé lui venir en aide, est de plus en plus inquiet. Il connaît
le courage de ses hommes, il sait qu'ils se battront jusqu'au bout, mais
si aucune aide lui vient de l'extérieur, comment pourra t-il remédier
au manque d'air et au manque d'eau.
Le courage ne remplace pas la soif
"
Tout le monde chercher un peu de fraîcheur contre les dalles ou
contre les murs. Hélas ! la pierre est chaude. Les yeux brillent
de fièvre, et l'on n'à touché qu'un quart d'eau depuis
vingt-quatre heures. L'air est affreusement lourd : j'ai l'impression
de me remuer sous une pile d'édredons. Une poignée de braves
continue de soutenir le moral aux barrages, mais la masse commence à
faiblir "
"
Enfiévrés, les hommes ne demandaient qu'à boire et
ne pouvaient goûter aux aliments. L'air était empoisonné
par la fumée des gaz, de la poudre et de la poussière ;
la couche était telle que les lampes s'éteignaient et que
les lampes électriques n'arrivaient pas à percer sa profondeur
à plus de 50 centimètres. Les hommes étaient si faibles
qu'à chaque instant plusieurs tombaient en syncope. Les blessés,
assez nombreux, ne pouvaient être soignés, faute de médicaments.
"
A 11 h 30, le dernier pigeon du fort, matricule
787-15, vient d'être intoxiqué par les gaz, il va mourir.
Alors que l'on tient la cage le plus haut possible, le commandant Raynal
rédige son dernier message : "
Nous tenons toujours, mais nous subissons une attaque par les gaz et les
fumées, très dangereuse. Il y a urgence à nous dégager.
Faites nous donner de suite communication optique par Souville, qui ne
répond pas à nos appels. C'est notre dernier pigeon. "
Lorsque qu'il prend son envole, il pauvre oiseaux est désorienté
et vient se reposer sur l'embrasure d'une meurtrière. Il est récupéré
et envoyé à nouveau, mais cette fois, saluer par les mitrailleuses
allemandes, il s'envole en direction de Verdun. Quelques dizaines de minutes
plus tard, il rejoint le pigeonnier militaire de la citadelle de Verdun
et expire. Il a accompli sa mission. Il recevra une bague d'honneur avec
cette citation : "
Malgré des difficultés énormes résultant d'une
intense fumée et d'émission de gaz, a accompli la mission
dont l'avait chargé le commandant Raynal. Unique moyen de communication
de l'héroïque défenseur du fort de Vaux, a transmis
les derniers renseignements qui aient été reçu de
cet officier. Fortement intoxiqué est arrivé mourant au
colombier. "
Plaque commémorative du pigeon mat. 787.15
(visible au fort de Vaux)
Comme la veille, les Allemands
tentent toute la journée, par tous les moyens de forcer les barrages
mis en place par les Français.
Témoignage du caporal brancardier Vanier, du 101e R.I. : "
Les Allemands nous envoient du liquide enflammé ; une fumée
noire entre dans les casemates, le bruit sourd des grenades nous arrive
de plus en plus précis ; nous ne pouvons pas respirer ; nous sommes
noirs comme des moricauds. Pour avoir de l'air, il faut ouvrir les fenêtres.
Avec beaucoup de précautions, nous enlevons peu à peu les
sacs de terre qui les protègent. Nous avons de la chance de ne
pas voir d'Allemands dans le fossé. Quelques-uns sautent dehors
pour pouvoir respirer. Mais il faut rentrer : ordre du commandant de refermer
toutes issues.
Nous ne sommes pas au bout de nos épreuves : le barrage de droite
vient de fléchier. Les Allemands trouvant que nous résistons
trop ont pris les grands moyens : avec du pétrole enflammé,
ils arrosent les défenseurs et parviennent ainsi à forcer
le barrage
Quelques grenadiers nous arrivent avec diverses blessures,
les cheveux, les sourcils roussis, plus rien d'humains, des êtres
noirs, les yeux hagards, tout ce qui peut être brûlé
et brûlé. Grosse émotion
quelques hommes commencent
à perdre la tête
"
A 22 h, Raynal convoque tous les officiers
encore valides afin de faire un point sur la situation. Elle n'est pas
brillante
la soif est le plus gros problème et il ne va pas
s'arranger. Les hommes sont voués à s'affaiblir indéniablement,
heure après heure.
Raynal décide donc de tenter une évacuation cette nuit même,
à la faveur de l'obscurité, de tous les hommes non indispensables
à la défense et l'intendance du fort. Tous les soldats ne
faisant pas partie de la garnison, mourant déjà de soif
inutilement, doivent donc s'échapper vers les lignes françaises.
A 1 h 30 (le 5 juin), la troupe constituée
se regroupe sous les ordres de l'aspirant Buffet.
Témoignage du caporal Guillantou : "
Le moment du départ arrive. Il est 1 h 30. L'aspirant Buffet sort
en tête. Je suis, et dès lors, me porte en avant. La mitrailleuse
crépite, les fusées nous éclairent ; un violent tir
de barrage nous accompagne, depuis les 305 jusqu'aux 77 ; c'est un déluge
d'obus.
Qu'importe ! Notre groupe de neuf ne se rebute pas et continue son avance.
L'espace, quoique difficile et long à franchir, est bientôt
parcouru.
Nous arrivons ainsi à une carrière appartenant aux lignes
françaises ; le cri de " Halte-là ! " retentit.
Immédiatement, plusieurs voix répondent " France !
"
Notre tâche était presque terminée ; l'évasion
avait réussi. "
Une 100e d'hommes parviennent ainsi à
rejoindre les lignes françaises.
L'aspirant Buffet est immédiatement conduit au fort de Tavannes,
afin de rendre compte au commandant du secteur sur la situation du fort
de Vaux. L'état major ainsi informé, met immédiatement
sur pied une contre-attaque pour le 6 au matin.
Il faut maintenant que quelqu'un connaissant le secteur, regagne le fort
afin de réaliser la liaison avec le commandant Raynal : "
Tenez encore, nous allons contre-attaquer ". On propose la
mission à l'aspirant
Buffet qui accepte aussitôt. Il repartira donc à la nuit
vers le fort, accompagné du sergent Fretté, ayant également
participé à l'évasion.
Nouvelle journée de lutte à
l'ouvrage R1, résumant toutes celles des autres secteurs. Capitaine
Delvert, commandant du retranchement R1 : "
Dimanche 4 juin - J'étais à la redoute à organiser
la liaison avec ma gauche. Au même instant, pétarade significative.
Je grimpe en vitesse l'étroite rampe qui me mène dans la
tranchée et gagne mon poste de combat.
Les grenades claquent de toutes parts. A 4 heures, tout est fini.
Il fait un soleil radieux, qui rend plus que poignante encore la désolation
de ce ravin.
14 h 30 - Depuis midi, bombardement par gros calibre. La terre tremble.
La cagna est pleine de gravats. Ils veulent décidément démolir
cette tranchée.
16 h 30 - Les Allemands grimpent toujours sur les pentes du bois Fumins,
et toujours sans recevoir un coup de canon. Je fais en hâte établir
une mitrailleuse à la tranchée de flanquement qui domine
le ravin, au-dessus de la redoute, et y envoie le sergent Choplain avec
huit hommes. Ils fauchent ce qu'ils peuvent ; mais c'est un crève-cur
de voir ces messieurs se renforcer ainsi à discrétion, en
plein jour.
18 heures - Le bombardement recommence. Cette fois, ce sont les nôtres
qui tirent
mais sur nos propres tranchées. Un vrai tir de
démolition. Deux dans la journée, c'est beaucoup. Celui-ci
est plus terrible que le premier.
L'élément de tranchée, à droite du carrefour
R1-Courtine, est littéralement écrasé ; tous les
défenseurs tués ou blessés. Partout ce ne sont que
gémissements, courses de brancardiers qui, malgré leur dévouement,
sont débordés.
Levêque, haletant, vient s'appuyer quelques instants sur le mur
de mon P.C. Sa bonne figure d'honnête brave homme est creusée
; les yeux cerclés de bleu semblent sortir de la tête.
On parle toujours de héros. En voici un, et des plus authentiques.
Il n'a pas la croix de guerre. C'est un brave homme, tout modeste, qui
fait son devoir sans se soucier des balles et des marmites, qui fait son
devoir à en crever. C'est un vrai héros.
L'effroyable canonnade dure toujours !
20 heures - Nous sommes relevés ! C'est une si grande joie que
je n'y croie pas.
A 21 h 30, nous commençons la relève avec le lieutenant
Claude. La nuit est calme. A peine quelques marmites.
23 heures - Arrive un courrier du colonel. " En raison des circonstances,
le 101e ne peut être relevé. " Quelle déconvenue
pour mes pauvres troupiers ! Ils font l'admiration du lieutenant Claude.
Il y a de quoi. Il n'en reste plus que trente-neuf ; mais quels braves
gens !
A cette note en est jointe une autre : " Occupez-vous toujours R1
? " "
Rive gauche
R.A.S.
haut
- milieu - bas
5 juin -
Siège du fort de Vaux (rive droite)
Rive droite
C'est une nouvelle journée de lutte qui se déroule dans
les coursives, les couloirs et les casemates. Mais tous les points stratégiques
sont conservés au pris de souffrances inouïes.
Le bombardement allemand est très violent sur le fort et ses alentours.
De nombreux obus français tirés trop court, viennent s'y
ajouter.
A 4 reprises, le commandant
Raynal tente l'envoi d'un message optique au fort de Souville.
A 1 h : "
L'ennemi travaille, partie ouest du fort, à constituer un fourneau
pour faire sauter voûte. Taper vite avec artillerie. "
A 8 h : "
N'entendons pas notre artillerie. Sommes attaqués par gaz et liquides
enflammés. Sommes à toute extrémité. "
A 21 h 45 puis à 23 h : "
Il faut que je sois dégagé ce soir et que du ravitaillement
en eau me parvienne immédiatement. Je vais toucher au bout de mes
forces. Les troupes, hommes et gradés, en toutes circonstances,
ont fait leur devoir jusqu'au bout. "
A minuit, l'aspirant Buffet
et le sergent Fretté partent de Tavannes et parviennent à
regagner le fort de Vaux. Ils sont accueillis très chaleureusement
par le commandant Raynal auquel ils transmettent leur message d'espoir.
Ce message, bien que positif, n'est pas du tout satisfaisant. Seulement
4 compagnies (238e et 321e R.I.) sont prévues pour l'attaque, accompagnées
de quelques pelotons du génie munis d'échelles spéciales,
pour gravir la superstructure, comme au Moyen Age. Sans mettre en doute
la valeur des combattants ni leur héroïsme, il est illusoire
de croire que l'ennemi laissera avancer ces hommes équipés
d'échelles. En ce qui concerne la préparation d'artillerie,
aucun détail, alors qu'elle aurait du durer plusieurs jours pour
être efficace, comme l'on fait les Allemands !
Le commandant Raynal est ses officiers doivent se résigner à
l'action prévue par le G.Q.G., ils ferons de leur mieux
Suite et fin du témoignage
du capitaine Delvert, commandant du retranchement R1 : "
Lundi 5 juin - Je reposerais volontiers, mais les " totos "
s'y opposent. Le contre ordre de relève fait que le compagnie n'aura
pas encore d'eau aujourd'hui. Sitôt le contre ordre reçu,
j'ai envoyé une corvée d'eau. Elle n'est pas revenue. Heureusement
il pleut. Les hommes vont étaler des toiles de tentes. Une soif
terrible me dessèche la gorge. J'ai faim ; manger du singe avec
des biscuits va encore augmenter ma soif.
Dans la tranchée Serajevo, qui nous est parallèle, c'est
un mouvement continu dans les deux sens. Cette tranchée doit être
approfondie, tout au moins dans le boyau de circulation, à près
de deux mètres
Maintenant ils s'organisent dans les positions conquises. On les voit
pelleter la terre, envoyer leurs renforts
17 heures - L'ordre de relève est arrivé. Pourvu qu'il soit
définitif !
Nous laisserons nos morts comme souvenir dans la tranchée. Leurs
camarades les ont pieusement placés hors du passage. Hélas
! Que de lugubres sentinelles nous abandonnons ! Ils sont là, alignés
sur le parados, raidis dans leur toile de tente dégoûtante
de sang, gardes solennels et farouches de ce coin de sol français
qu'ils semblent, dans la mort, vouloir encore interdire à l'ennemi.
21 heures - Relève. Ce n'est pas tout d'être aux retranchements
du fort de Vaux, il faut encore en sortir.
Effroyable la marche dans la nuit vers le P.C. Fumin. Clerc guide le mouvement.
Il retrouve à tâtons le chemin, de trou d'obus en trou d'obus.
La plaine est bouleversée, criblée d'entonnoirs où
l'on trébuche sur des cadavres
nous descendons à travers
le bois dont les pentes aboutissent au tunnel. Dans le tunnel ! Enfin
! Nous respirons.
Quand je dis : " Capitaine de la 8e compagnie ; R1 ! " je me
rend compte de l'horreur de la situation dans laquelle nous nous trouvions.
On nous regarde comme des rescapés. On nous offre à boire
On nous félicite
On nous embrasse
Nous repartons, dans la nuit, le long de la voie ferrée
Ici
les bois ne sont pas abattus et les branches nous accrochent au visage.
Mais nous avons plus l'angoisse des marmites et l'on entend à nouveau
bavarder. Notre guide nous perd à travers les pentes boisées
qui nous séparent de Belrupt
Enfin, voici les casernes Chevert
La route
Nous sommes arrivés. La fin du martyre. Il est petit
jour. "
Rive gauche
R.A.S.
haut
- milieu - bas
6 juin -
Siège du fort de Vaux (rive droite)
Rive droite
A 2 h, l'attaque française qui doit dégager le fort s'élance.
Elle est composée de 2 compagnies du 321e R.I. et de 2 du 238e
R.I., ainsi que de quelques pelotons du 4e Génie équipés
de matériels de franchissement.
Les 2 compagnies du 321e s'élancent
sur la face est du fort et parviennent à traverser une première
tranchée. Ils atteignent ensuite le fossé où elles
sont accueillies par un puissant barrage à la grenade. Elles tentent
désespérément de forcer le passage mais en quelques
instants, tous les officiers et la moitié des effectifs sont tombés.
Les débris des 2 compagnies se rassemblent et rejoignent leur point
de départ sous un déluge de fer.
Témoignage de Jacques FERRANDON,
soldat au 321e R.I. : "
Le 6 juin, à 2 heures du matin, nous montions à l'attaque
du fort de Vaux. Nous avançâmes jusqu'au moment où,
ayant épuisé toutes nos munitions en grenades et, postés
dans un entonnoir, nous tirions presque à bout portant sur l'ennemi,
bien visible sous les fusées éclairantes.
Trop occupé à me battre, je n'entendis pas l'ordre de repli
; quand je m'aperçus que j'étais seul, je m'aplatis dans
un trou. Ayant attaché mes armes et équipements à
mes jambes, je pris en rampant le chemin du retour. Combien de temps m'a-t-il
fallu, je ne puis le dire, mais ce que je vis fut affreux : partout des
cadavres français et allemands, pêle-mêle. Je ne me
détournais de l'un que pour passer sur un autre ; pas un trou qui
ne contînt plusieurs morts ou mourants ; c'était épouvantable
; il faut avoir parcouru les abords du fort de Vaux pour se rendre compte
d'un tel massacre. "
Les 2 compagnies du 238e
R.I. (22e et 23e), s'élancent de la tranchée Besançon,
sur la face ouest du fort.
En voyant approcher la 22e compagnie, l'ennemi évacue les tranchées
en avant du fort, ce qui permet aux Français d'atteindre assez
facilement le fossé et de s'étendre vers la face nord. Cependant,
les mitrailleuses allemandes installées sur la superstructure ouvrent
le feu et causent des ravages dans la troupe, qui est bloquée contre
la paroi et qui tente désespérément de l'escalader.
A 4 h, il ne reste plus que 30 hommes, dont 17 blessés. Les Allemands
s'élancent sur eux et les font prisonniers.
La 23e compagnie qui a
été quelque peu retardée par l'encombrant matériel
qu'elle doit charrier (échelles, mitrailleuses, munitions) atteint
à son tour le fossé du fort. Elle doit cependant renoncer
à y descendre, se serait une mort certaine que de tenter de traverser
ce couloir pris d'enfilade par un grand nombre de mitrailleuses allemandes.
La troupe se résigne à rester dans les énormes trous
d'obus qui précédent le fossé.
A la nuit, la 23e compagnie du 238e R.I. regagne la tranchée Besançon
qu'elle a quittée le matin.
Témoignage de Georges QUETIN, soldat
au 238e R.I. : "
Le 238e d'infanterie est remonté en face du fort de Vaux au moment
de l'attaque. Quelques jours plus tard, j'ai assisté à l'appel
d'une compagnie : un seul caporal à répondu présent
pour toute sa compagnie. J'ai vu cet homme pleurer en entrant dans le
cantonnement et appeler ses camarades disparus. "
Du fort, les assiégés torturés
par la soif ont assisté impuissants à l'infortune des 4
compagnies venues les délivrer. Les réserves d'eau sont
pratiquement épuisé, le commandant Raynal lance à
6 h 30 un ultime message optique au fort de Souville, déchiffré
comme cela : "
interviendrez avant complet épuisement
Vive la France
! "
Descriptif de la distribution d'eau durant les 6 jours de siège
donnée par le médecin auxiliaire Gaillard
: "
La seule boisson en usage au fort de Vaux était l'eau de la citerne,
javellisée à trois gouttes par litre, filtrée et
aérée par le médecin du fort et moi.
Distribution : 1er juin, néant ; 2 juin, 1 litre par homme ; 3
juin, ¾ de litre par homme ; 4 juin, néant ; 5 juin, ½
litre par homme ; 6 juin, néant. "
Dans les casemates ou à l'infirmerie,
ou une 100e de blessés agonisent sans soin, plusieurs hommes boivent
leur urine.
La nouvelle attaque sur Vaux venant d'échouer
à son tour, le général Nivelle réitère
en formant sur le champ une brigade composée du 2e Zouave et du
R.I.C.M. (Régiment d'Infanterie Colonial du Maroc).
Sa mission est de nouveau de reconquérir entièrement le
fort. Elle est fixée pour le 8 à 4 h 30.
Témoignage du commandant P
: "
L'histoire de la formation de cette brigade mérite d'être
relatée en détail, non à cause de son importance
propre, mais à cause de la connaissance qu'elle donne de la mentalité
d'un chef qui s'est cru et à qui l'on a voulu faire croire qu'il
était un grand chef.
Le général avait exposé son idée de secourir
à tout prix le fort de Vaux à son chef d'état-major
sous prétexte que "l'honneur était engagé".
Celui-ci avait fortement cherché à dissuader le général,
mais sans succès et le général décida de se
rendre à R., sur la rive gauche, en y convoquant tous les chefs
de groupement et de division. Le chef d'état-major, désireux
de tout tenter pour arrêter le général me désigna,
pour l'accompagner (j'avais déjà commandé au front
un bataillon d'infanterie et un bataillon de chasseurs, et je possédais
la pleine confiance du général comme fantassin) en me priant
de faire tout ce qu'il serait possible pour amener le général
à renoncer à cette fantaisie. "Du reste, ajoutait-il,
le général vous mettra lui-même au courant pendant
le trajet
"
En voiture, voyant que le général ne disait rien, je lui
demandais : -Mon général, le chef d'état-major m'a
prié de vous rappeler que vous deviez au cours de la route me mettre
au courant de vos intentions.
- Ah ! oui, répondit le général, mais je n'ai pas
encore pris de décision. Le chef d'état-major avait pensé
qu'on pourrait former une brigade de marche en prélevant des troupes
sur la rive gauche, et la transporter sur la rive droite pour reprendre
le fort de Vaux la nuit prochaine.
- Mais, mon général, m'écriais-je, c'est insensé
! Comment une pareille idée a-t-elle pu venir à un homme
comme votre chef d'état-major ? Ce n'est pas possible. C'est là,
au point de vue fantassin, une de ces erreurs qui coûtent cher,
et sans jamais avoir de résultats. Comment peut-on espérer
obtenir d'une brigade de marche, composée de régiments ou
de bataillons venus de partout, sous la conduite d'un chef inconnu d'eux,
sans la moindre cohésion, dans un secteur qui ne représente
qu'un chaos lunaire et tout à fait nouveau pour eux, avec les marmitages
que vous connaissez, ce qu'une division fraîche, bien encadrée,
avec toute son artillerie, n'a pu réussir il y a quelques jours
?
- L'honneur militaire exige que l'on fasse quelque chose.
- Oui, mon général, si quelque chose est possible, mais
pas si ce quelque chose n'a comme effet que la destruction de nouvelles
unités, sans résultat. Le fort me paraît à
bout de forces. J'ai vu hier l'aspirant Buffet au moment où il
arrivait du fort, et je sais par lui que la situation dans le fort semble
assez trouble. Je connais Raynal, il est énergique, il fera tout
ce qu'il pourra, et vraiment qui oserait dire que l'honneur n'est pas
satisfait ?
Le général se tut ; et le silence dure jusqu'à R.
A R. une vingtaine de généraux attendaient.
Ce fut une stupeur quand le général Nivelle eût exposé
son projet, qui était bien le sien, bien qu'il eût semblé
vouloir en donner la paternité à son chef d'état-major.
Le général N
protesta hautement. Le général
de M
ancien commandant d'une Armée, qui avait accepté
ensuite le commandement d'un Corps d'Armée venu du Midi, exposa
au général Nivelle, que bien entendu, l'ordre serait exécuté
s'il était donné, mais qu'il estimait ce projet voué
d'avance à l'insuccès, que vraiment une formation de marche,
aussi hétérogène que celle que l'on pourrait former
dans un secteur où n'existaient plus de réserves, n'avait
pas la moindre chance de réussite, que les pertes seraient élevées
et qu'on pouvait se demander si la reconquête du fort valait un
tel sacrifice.
Le général Nivelle maintint son point du vue, et demanda
à chacun des chefs présents de mettre à sa disposition
ses unités disponibles. Il fut convenu enfin que le général
Savy, désigné pour prendre le commandement de la brigade
de marche, aurait sous ses ordres le régiment colonial du Maroc
et un régiment mixte venu d'une autre division. Les troupes étaient
en 2e ligne et devaient entrer en 1er ligne dans la nuit suivante (du
6 au 7). On les ferait redescendre, transporter par camions, et elles
monteraient (dans la nuit du 7 au 8) dans le secteur de Souville-Tavannes
pour attaquer le 8 au matin soit 2 jours successifs passés en camion
et 3 nuits à monter en secteur où à redescendre.
C'est ce qu'on appelait des troupes "fraîches".
Le général Nivelle me dit : "Maintenant que tout est
d'accord, écrivez l'ordre, je signerai votre original."
Je m'inclinais et fit l'ordre que le général signa aussitôt
et qui fut remis immédiatement au général commandant
le groupement.
Le général de M
, qui m'avait eu comme élève
à l'Ecole de guerre, se rapprocha de moi et me dit : "Mon
pauvre P
, quel métier on vous fait faire ! Mais vous ne pouviez
pas ne pas obéir. "
Si j'ai relaté ces faits, c'est que pour moi ils sont infiniment
précieux pour déceler le caractère d'un homme. Le
général Nivelle, venu de l'Afrique, n'était en rien
préparé au rôle qu'il eut à jouer. Très
brillant soldat, celui de Quennevières, il ignorait tout de la
conduite des Armées. L'immense confiance en soi, l'entêtement
orgueilleux, le goût de la flatterie, une vanité enfantine
qui se gonflait du moindre éloge, venant de n'importe qui, tout
cela s'est développé, amplifié à Souilly dans
d'immenses proportions et appelait une catastrophe.
On comprend mieux les événements d'avril 1917 (remplacement
de Nivelle par Pétain) à la lumière de petits incidents
comme celui que je viens de raconter. "
Rive gauche
Une nouvelle attaque menée par le 71e R.I. sur le boyau de Valence
ne donne pas plus de résultat que le 1er juin.
haut
- milieu - bas
7 juin -
Capitulation du fort de Vaux (rive droite)
Rive droite
A 3 h du matin, le commandant Raynal décide d'envoyer un émissaire
pour parlementer avec l'ennemi, le sous-lieutenant Farges, de la 6e compagnie
du 142e R.I. Mais comment approcher de l'ennemi sans être accueilli
à coup de fusils ou de grenades ?
Témoignage
du commandant P
: " De
quelle façon le fort de Vaux a capitulé : Dans la nuit du
6 au 7 juin, le sous-lieutenant Fargues de la 6e compagnie du 142e R.I.,
a fait effort pour parlementer avec l'ennemi vers la casemate sud-ouest
de l'ouvrage. Le jour arrive sans aucune réponse et pourtant les
Allemands veillent de toutes parts. Vers 6 heures du matin, l'adjudant
Benazet obtient une réponse au barrage qui ferme le coffre double.
Immédiatement, le lieutenant allemand Muller-Verner est introduit
à l'intérieur auprès du commandant Raynal (commandant
en chef du fort). Toutes les conditions étant acceptées
et signées, il faut évacuer la place.
Les hommes déposent les armes, bien des larmes coulent, pas un
mot, un silence de mort plane sur ce morceau de France.
L'ennemi
présente les armes et puis, bien lentement, les héros du
fort de Vaux descendent vers l'exil.
Les Allemands entraient au milieu d'un grand silence, écrit le
caporal-brancardier Edmond Patry : on entendait le bruit de leurs bottes,
ils montaient l'escalier de pierre à la file indienne, l'officier
en tête, coiffé d'une casquette, suivi des téléphonistes,
pionniers, tous s'éclairant de leurs lampes électriques.
Les Français étaient rangés de chaque côté
de l'allée centrale du fort ; les Allemands passaient au milieu
et les saluaient. Ils appartenaient au 39e régiment d'infanterie
prussien.
L'évacuation se fit par la brèche nord-ouest. Au pied des
pentes du fort de Vaux, la plaine marécageuse et les trous d'obus
contenaient de l'eau. Tous se jetèrent sur cette eau pourtant pleine
de vase
Le
commandant Raynal fut conduit au Kronprinz (le prince héritier
allemand), puis emmené à Mayence.
Récit
du commandant RAYNAL : "Le
Kronprinz est debout, il m'accueille avec une courtoisie très franche.
Il n'est pas laid ; ce n'est pas le singe qu'on fait de lui les crayons
qui l'ont caricaturé ; c'est un cavalier mince et souple, élégant
et non sans grâce, qui n'a rien de la raideur boche.
Le Kronprinz parle, il s'exprime avec facilité, dans un français
assez pur.
Il reconnaît et vante comme il sied la ténacité de
nos hommes, leur admirable vaillance. "Admirable" : il répète
plusieurs fois ce mot. Le Kronprinz me remet la copie du message par lequel
notre général en chef envoyait ses félicitations
au fort de Vaux.
Maintenant l'héritier du kaiser arrive au geste noble :
- Désireux d'honorer votre vaillance, mon commandant, j'ai fait
rechercher votre épée que je me dois de vous rendre ; malheureusement,
on n'a pu le retrouver
Et pour cause, suis-je tenté de glisser
: je n'ai eu pour toute arme personnelle que ma canne de blessé
et mon revolver.
Il poursuit, en me présentant le coupe-choux d'un sapeur du génie
:
- Je n'ai pu me procurer que cette arme modeste d'un simple soldat, et
je vous prie de l'accepter.
Mon premier mouvement est de me hérisser ; mais le Kronprinz ne
se moque pas de moi, c'est très sérieusement qu'il accomplit
son geste, et comme l'effet ne lui en échappe pas, il insiste sur
l'intention qui donne à ce geste sa véritable portée
:
- L'arme est modeste, mais glorieuse, mon commandant, et j'y vois, comme
dans l'épée la plus fière, le symbole de la valeur
française
Je ne peux plus refuser :
- Ainsi présenté, j'accepte cette arme et remercie Votre
Altesse de l'hommage qu'elle rend à la grandeur de mes humbles
camarades.
C'est tout, je salue militairement et m'en vais en emportant mon coupe-choux.
Nous n'avons pas fait cent mètres que :
- Herr major, Son Altesse Impérial vous prie de revenir.
Je regagne le quartier général du Kronprinz. Comme je pénètre
dans le bureau par une porte, il sort d'une autre pièce et vient
à moi, tout épanoui : il tient une épée à
deux mains, un sabre-épée d'officier français :
- J'ai trouvé, mon commandant. Je vous prie d'accepter cette arme
plus digne de vous, en échange de celle que je vous ai offerte,
à défaut d'une autre. "
Commandant Raynal prisonnier
Ce n'est que par le communiqué
allemand fait le soir, que la France apprend la chute du fort.
Aussi, le général Nivelle maintient son ordre d'attaque
prévu pour le lendemain.
Bilan du siège
du fort de Vaux :
Lorsque que l'on étudie de plus près la capitulation du
fort de Vaux, dû principalement à la soif et non à
la conquête des organes principaux du fort par l'ennemi, on ne peut
s'empêcher de penser qu'elle aurait été l'issue si
au 1er juin, les citernes avaient été pleines et la défense
du fort correctement menée.
En effet, durant les mois précédents, rien n'avait été
fait pour redonner au fort sa puissance de feu, et l'on mourrait de soif
déjà bien avant le mois de juin.
Le lieutenant Borgoltz, qui avait fait une reconnaissance au fort le 6
mars, avait relevé de nombreuses malveillances qu'il avait remontées
à sa hiérarchie. Cependant, aucune mesure n'a été
prise.
Voici les grandes lignes du compte rendu établi par le lieurenant
Borgoltz : "
nous gagnons la tourelle qui est désarmée de ses
pièces de 75
Telle qu'elle est, on pourrait y mettre des
mitrailleuses en batterie destinées à balayer les glacis
en cas d'attaque. "
"
les deux casernes de Bourges et les coffres flanquants,
sont intacts. Nous sommes très surpris de trouver ces organes sans
défenseurs, les casemates de Bourges étant d'ailleurs désarmées
de leur 75 et remplie d'explosifs. Etrange conception de l'utilisation
d'un ouvrage fortifié qui consiste à préparer tout
pour le détruire et rien pour le défendre. Quelle lourde
responsabilité pour le chef qui a donné l'ordre de prendre
de pareilles mesures ! "
"
Par les embrasures des coffres de flanquement, nous voyons
des partions entières de contrescarpe renversées dans les
fossés. Le flanquement par les coffres est rendu plus difficile
en raison de ces éboulements. Il faudrait une section du génie
pour diriger et faire exécuter les travaux de déblaiement
ainsi que pour mettre en place des réseaux Brun barbelés
afin de rétablir l'obstacle et obstruer les brèches. "
" Les communications à découvert avec le plateau en
arrière du fort sont précaires et très périlleuses
en raison de l'arrosage constant de tous calibres, entretenu par les Allemands,
qui gênent les ravitaillements. Pourquoi, depuis que l'on est fixé
sur cette façon de procéder des Allemands, l'ordre n'a-t-il
pas été donné de creuser une galerie suffisamment
profonde du 350 à 400 mètres de longueur, pourvue à
ses deux extrémités de deux ou trois sorties, vers la lisière
nord des bois de la Vaux-Régnier. Ainsi seraient assurés,
en tout temps, en toute sécurité, malgré le bombardement,
la relève du personnel ainsi que le ravitaillement en vivres, eau,
matériel et munitions de la garnison de défense. D'où
possibilité de prolonger la résistance en limitant les fatigues
et réduisant les pertes. "
" Les chambrées étaient bondées, les couloirs,
les escaliers, les latrines, tout était encombré de soldats
qui dormaient, somnolaient, causaient, fumaient, en attendant leur tour
d'aller risquer leur vie au parapet. " " Les citernes baissaient
rapidement, car les tuyaux qui leur amenaient l'eau des sources de Tavannes
avaient été crevés par les gros obus. A partir du
11, la ration fut fixée à un quart par homme et par jour.
Le 13, déjà, les citernes étaient presque vides ;
ce jour-là, pour puiser et distribuer l'eau, ou plutôt la
boue, un soldat descendait dans la citerne, grattait le fond avec son
quart et versait ce qu'il pouvait recueillir dans le bidon qu'on lui tendait.
Dés lors, il fallut que les hommes de corvée allassent,
au prix des pires dangers, chercher à Tavannes l'eau indispensable.
"
L'ouvrage
R1 est maintenant tenu par des éléments du 128e R.I. A 4
h, ils subissent une violente attaque
qu'ils parviennent à repousser grâce à leurs mitrailleuses.
Rive gauche
R.A.S.
Front au 7 juin 1916
haut
- milieu - bas
8 juin -
Pression allemande sur Thiaumont, Froideterre et le bois de Nawé
- Perte de l'ouvrage R1 (rive droite)
Rive droite
Durant la nuit, le 2e Zouave part pour prendre ses positions de départ.
Ne connaissant pas du tout le secteur, il doit être guidé
depuis le fort de Tavannes par des hommes du 298e R.I. revenus spécialement
du secteur du fort de Vaux. Cependant, aucun de ces hommes ne parvient
à traverser le barrage d'artillerie allemand. C'est donc seul et
avec du retard, que le 2e Zouave prend la direction du fort.
Quand il arrive sur ses bases de départ sous une pluie battante,
il ne reste que très peu de temps avant l'heure H. Les hommes sont
trempés et complètement épuisés.
Au moment de l'assaut, les obus de 210 allemands font des ravages dans
les rangs qui avancent. Bientôt, tous les officiers les plus gradés
sont tués. C'est sur l'ordre d'un sous-lieutenant, que les survivants,
à bout de force, retournent vers l'arrière.
De son côté,
le R.I.C.M. est arrivé comme prévu sur ses positions de
départ. A 4 h, il part à l'assaut et atteint le fossé
du fort où il engage une sévère lutte à la
grenade. Cependant, les Allemands ont installé de nombreuses mitrailleuses
sur la superstructure et leurs tirs causent des ravages dans le groupe
français.
Ce n'est que lorsqu'il ne
reste plus qu'un officier et 25 hommes par compagnies que le R.I.C.M.
cesse sa progression désespérée et se terre sur place.
L'attaque sur laquelle le
général Nivelle fondait tous ses espoirs a donc échoué
comme toutes les précédentes. Les pertes qu'ont subi le
2e Zouave et le R.I.C.M. ont été cruelles, les Marocains
ont perdu 95% de leur effectif.
Désormais maîtres
du fort de Vaux, les Allemands portent maintenant toutes leurs forces
sur les secteurs de Thiaumont, de la côte de Froideterre et du bois
de Nawé.
A partir de 9 h, une offensive générale s'abat sur tous
les fronts tenus par la 52e D.I. (49e et 58e B.C.P., 245e, 291e, 320e,
347e et 348e R.I.), la 63e D.I. (216e, 238e, 292e, 298e, 305e et 321e
R.I.) et la 151e D.I. (293e, 337e, 403e et 410e R.I.).
Devant la 151e D.I. positionnée
du bois de Nawé à la ferme de Thiaumont inclus, l'ennemi
est repoussé par les 293e et 337e R.I., mais les pertes françaises
sont très sévères. Durant plusieurs heures, plusieurs
tranchées sont successivement perdues puis reprises. Un bataillon
du 293e particulièrement éprouvé doit abandonner
ses positions et se replier sur le bois des Vignes.
Devant la 52e D.I., des abords
de la ferme de Thiaumont au ravin des Fontaines, les combats sont très
confus. A gauche, les 291e, 347e (5e bataillon) et 348e R.I. sont presque
en totalité submergés par l'ennemi. Ils doivent reculer
jusqu'au bois Triangulaire (291e) et aux abris 320 (347e). Le 291e a eu
dans la journée 68 tués, 105 blessés et 483 disparus.
Témoignage : "
Ce que je vois est affreux. Les cadavres sont légion ; ils ne se
comptent plus ; on marche sur les morts. Des mains, des jambes, des têtes
et des cuisses coupées émergent de la boue et on est contraint
de patauger là-dedans, car c'est encore dans ce méchant
fossé à moitié comblé par endroits qu'on peut
espérer se dissimuler un peu. Ici, un soldat est tombé à
genoux ; il bouche le passage ; on lui grimpe sur le dos pour avancer
; à force de passer sur lui, on a usé ses vêtements,
on marche sur sa peau. "
Vers 16 h, plus à l'ouest,
les Allemands se rendent maîtres de l'ouvrage de Thiaumont mais
l'évacuent peu de temps après pour concentrer leurs efforts
au nettoyage des abords du fort de Vaux, alors tenus par la 63e D.I. (17e,
18e et 20e compagnies du 298e R.I., 22e et 23e compagnies du 238e R.I.).
A la tombée de la nuit, après de violents combats, l'ouvrage
R1 est perdu ainsi que la tranchée de Besançon. Le 1er bataillon
du 2e Zouave doit relever le 298e à la tranchée Besançon.
Quand il y arrive, vers 21 h, il y trouve l'ennemi mais parvient à
s'organiser face à cette tranchée.
Durant la nuit, le général
Nollet renforce la 151e D.I. par le 137e R.I. qui se positionne dans le
secteur de Thiaumont.
L'ouvrage de Thiaumont est réoccupé par un peloton du 403e
et à l'inverse, la ferme de Thiaumont évacuée par
les Français est investie par les Allemands.
En plus des nombreux combats
qui ont eu lieu durant cette journée, tous les secteur énoncés
plus haut ont été soumis à un bombardement intense
par l'artillerie allemande.
Témoignage du soldat Jules
SERGENT : "
En ces terribles jours de juin, l'artillerie ennemie répondait
coup pour coup à la nôtre et envoyait des 210, comme nous
nous envoyons des 75. Ce fut le plus formidable duel d'artillerie que
j'ai pu voir.
Partout, il y avait des blessés, des morts, des morceaux de chair
humaine épars. Nous n'avions jamais rien vu de pareil. Un capitaine
de chasseurs qui était devenu fou dans cet enfer cherchait la moindre
petite touffe d'herbe qu'il pouvait découvrir pour la peigner avec
un peigne de poche qu'il avait sur lui. "
Les morts ont encore été
très nombreux. De toutes parts, retentissent les cris des centaines
de blessés qui agonisent sans soin, abandonnés à
leur sort sur le champ de bataille.
Rive gauche
R.A.S.
Front au 8 juin 1916
haut
- milieu - bas
9 juin
Rive droite
" Journée calme " selon les communiqués.
Rive gauche
Dans le secteur de la cote 304, une nouvelle attaque allemande précédée
d'un violent tir de préparation est repoussée.
Le 1er bataillon du 412e R.I. en ligne
à la droite de la cote 304 subit le bombardement interrompu à
4 reprises pour permettre aux vagues d'assaut ennemies d'attaquer. Plusieurs
Allemands sont équipés de lance-flammes.
Les 4 attaques sont repoussées mais en fin de journée, le
bataillon est pratiquement anéanti. Il ne reste qu'une 50e d'hommes
sans officier.
Le 8e tirailleur et le 4e zouaves subissent
eux aussi le même bombardement et les mêmes attaques. Dans
une lutte exemplaire, ils empêchent l'ennemi de passer. Leurs pertes
sont également très lourdes.
Ce jour, les 2 brigades en ligne dans le
secteur de 304 ont eu ensemble un total de 1100 tués et blessés.
Cadavres français entassés dans une tranchées
haut
- milieu - bas
10 juin
Rive droite
" Journée calme " selon les communiqués.
Rive gauche
R.A.S.
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11 juin
Rive droite
" Journée calme " selon les communiqués.
Dans la nuit, le 21e D.I. (64e, 65e, 93e et 137e R.I.) relève la
151e D.I. sur ses positions.
Rive gauche
R.A.S.
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12 juin
- Pression allemande sur le secteur du bois de Nawé
Rive droite
Depuis la veille au soir, le bombardement allemand est très violent
sur le ravin de la Mort et Thiaumont, positions que l'ennemi projette
d'enlever dans la martinée.
A 6 h, l'ennemi lance une
attaque entre le bois de Nawé et les abris 320. Ce front est tenu
par les 93e, 137e et 410e R.I.
Les 93e et 410e R.I. en position
à l'ouest du boyau Le Nan, parviennent à repousser tous
les assauts.
Le 137e qui occupe le boyau
Le Nan et ses alentours a été très éprouvé
par le bombardement de la nuit.
Quand les troupes allemandes s'élancent
devant les 2 bataillons du 137e, elles sont tout d'abord contenues par
une âpre résistance à la grenade. Mais très
vite, les Français sont encerclés et tués jusqu'au
dernier. En 48 h, le 137e R.I. a perdu 37 officiers et 1500 hommes. C'est
durant cette matinée que c'est déroulé l'épisode
de "la Tranchée des Baïonnettes" décrit plus
bas.
L'ennemi s'empresse de combler
l'espace laissé vide suite à la disparition du 137e. Il
renforce le boyau Le Nan puis poursuit sa progression vers la tranchée
Sapeur, ou il parvient à déborder le 93e R.I. par la droite.
A lui seul, avec un courage et une opiniâtreté magnifique,
le 93e parvient non seulement à rester maître de ses positions
mais à reprendre toutes les positions que tenait le 137e. Dans
cette action, il a tout de même perdu la moitié de son effectif.
Dans la nuit, les positions
au sud du boyau Le Nan sont renforcées par 2 compagnies du 348e
R.I.
Un bataillon du 239e R.I. s'est placé à l'ouest du village
de Fleury.
La 257e D.I. (106e et 120e B.C., 359e R.I.) est mise à la disposition
du général Nollet.
Témoignage de J. LEFEUVRE,
adjudant au 65e R.I. : "
Le 11 juin 1916, nous arrivons à la citadelle de Verdun. Le régiment
est littéralement entassé dans des bâtiments dépendant
de la citadelle. Les abords sont d'une saleté repoussante : des
monticules énormes d'immondices dégagent une odeur épouvantable
; les vers grouillent sur ces débris de viande ; on se demande
comment aucune épidémie n'éclate. Triste impression
d'arrivée. "
La Tranchée
des Baïonnettes :
Plusieurs hypothèses ont été écrites sur la
" Tranchée des Baïonnettes ", des plus exaltés
aux plus réalistes.
Il y a la version officielle,
que l'on a concervé dans nos mémoires, que l'on raconte
dans nos écoles et aux " touristes ". Des soldats attendant
debout au créneaux, prêt à partir à l'assaut
sous un bombardement incroyable. Soudain, un gros obus tombe tout proche,
une immense vague de terre se soulève et recouvre instantanément
les pauvres soldats.
Cette hypothèse est la plus séduisante, car elle cadre parfaitement
avec les horreurs et la violence que l'on imagine des combats de Verdun.
On sait de plus qu'il y a eu de nombreux enterrés vivant, et certains
témoignages dignes de fois nous le prouvent.
Témoignage d'Emile HUET : "
En montant à l'attaque, j'ai vu des choses horribles ; des hommes
d'un régiment qui était sur notre gauche, au nombre d'une
compagnie environ, se trouvaient dans un bout de tranchée qui avait
été épargné. Au moment où nous passions,
le bombardement était épouvantable. Le tir de barrage est
tombé juste sur cette tranchée et a recouvert tous les hommes
qui étaient dedans. On pouvait voir la terre se soulever par l'effort
de tous ces malheureux. J'ai toujours cette vision devant les yeux. "
Témoignage de G. MARYBRASSE : "
Nous sommes dans une longue tranchée, pleine de morts ; une odeur
affreuse monte de l'immense charnier. Soudain, le barrage boche se déclenche.
Je vois des camarades, les yeux agrandis par l'épouvante, regarder
vers le ciel, frappés de stupeur : Je regarde à mon tour,
et je vois, retombant d'au moins 20 mètres, une pauvre chose inerte,
bras et jambes ballantes, comme un pantin sans articulations qu'on aurait
jeté d'un avion, d'un ballon. C'est un camarade qui a été
soulevé comme une plume par le déplacement d'air d'un obus.
Quelques minutes plus tard, un obus éclate si près de moi
(1,50 m à peine) que je vois très nettement une boule de
feu. Par miracle, je ne suis que légèrement blessé,
et je vais dans un petit gourbi, à flanc de ravin pour y attendre
la relève. Je partage l'étroit abri avec un autre blessé.
Avec quelle joie je savoure la possibilité de pouvoir m'étendre
enfin, chose inespérée depuis onze jours ! Mon camarade
sur le dos, moi sur le côté, nous nous endormons. Tout à
coup, un tir de barrage éclate tout près et un obus tombe
juste au-dessus de nous, nous ensevelissant. Alors pour nous, le bombardement
devient lointain, lointain
je me rends compte du tragique de la
situation ; si personne ne vient à notre secours, nous sommes perdus.
Le malheureux qui partage ma tombe est étouffé par la terre
; trois fois de suite, je l'entends faire rronn, rronn, rronn, puis c'est
tout ; je devine qu'il est mort ; il n'a pas souffert longtemps.
De tous mes efforts, j'essaie de me soulever, mais trois mètres
de terre nous retiennent prisonniers ; par une habitude heureuse que j'avais
toujours au front, j'ai toujours sur la tête mon casque avec jugulaire
au menton ; la visière avant retient la terre et l'empêche
de m'obstruer la bouche. La tête rabattue sur la poitrine, respirant
à peine, je garde néanmoins toute ma lucidité. Je
me rends parfaitement compte que tout sera bientôt fini ; alors,
comme un film de cinéma, toutes sortes de souvenirs se présentent
à ma mémoire, mais surtout, je pense à ma mère,
à la peine qui sera la sienne lorsqu'elle saura tout ; puis j'entrevois
mon père et mon frère décédés que je
vais revoir, mes frères et ma sur qui pleureront aussi à
cause de moi ; alors, avec calme, avec toute ma connaissance, du plus
profond de mon cur, je fais mon acte de contrition, demandant à
Dieu d'abréger au plus tôt mon martyre ; puis, des minutes
s'écoulent, qui n'étaient peut-être que des secondes,
mais qui m'ont paru des heures interminables. Je sens que ma tête
bourdonne ; des bruits de cloches semblent sonner très fort, puis
plus rien. De nouveau, je reprends connaissance, et à ce moment,
je me souviens m'être fait cette réflexion : "Ce n'est
pas si dur de mourir
"
Combien de temps suis-je resté ici ? c'est flou, mais assez longtemps,
au moins 25 minutes, je l'ai su après. Au déclenchement
du barrage, tous les camarades se sont sauvés ; quand cela s'est
calmé, ils reviennent. C'est alors que le sergent Sèle s'inquiète
de moi. Sèle est un camarade qui a fait notre admiration pendant
les journées de Verdun par son courage et son sang-froid. "Où
est Marybrasse ?" demande-t-il. C'est alors qu'il s'aperçoit
de l'éboulement ; il m'appelle : "Marybrasse, Marybrasse,
es-tu là ? " Comme dans un rêve, je l'entends vaguement
et ne puis répondre. Persuadé que je suis dessous, il ordonne
à quelques hommes de piocher rapidement. J'entends des coups lointains
qui se rapprochent ; je me dis : "Ils n'arriveront pas jusqu'à
moi
" Enfin, j'entends plus distinctement les coups, j'entends
même que l'on parle. Sèle dit à ses hommes : "Attention
maintenant. "Je sens une main sur mon casque : "J'en tiens un
! "s'écrie Sèle, et alors, de ses mains, il me dégage
vivement la tête.
Comment dire ce que j'ai ressenti à ce moment ? Retrouver la vie
au moment où je croyais bien la perdre, sentir l'air pur de la
nuit
Tout cela m'a ranimé, je me sens sauvé, je pleure
de joie. Je remercie mon sauveur, nous nous embrassons. "
Mais il y a aussi d'autres versions qui
ont été émises par des personnes connaissant parfaitement
les conditions de combats de cette époque, pour les avoir vécu
et s'y être intéressé après la guerre. Leurs
versions s'écartent quelque peu de la version officielle, elles
sont moins sensationnelles et tragiques mais méritent toutes fois
que l'on s'y arrête.
La tranchée aurait été
comblée volontairement plus tard, par des Français ou des
Allemands, afin de recouvrir des cadavres en décomposition. Partant
de cette idée, la suite n'est que formalité
le numéro
du régiment... les circonstances exactes
Jacques Péricard, après
une étude sérieuse, pense pouvoir affirmé que se
sont des hommes du 137e R.I. qui sont enterrés dans la tranchée.
Son témoignage est l'un des plus reconnu : "
Contrairement à certaines hypothèses, de bonne foi celle-là,
la Tranchée des Baïonnettes est bien celle qu'occupaient les
soldats du 137e en juin 1916 et les cadavres qu'elle renferme sont bien
les cadavres de soldats de ce régiment, non des cadavres quelconques
ramassés aux alentours. En janvier 1919, le 137e se trouvant dans
le secteur de Verdun, le colonel Collet, qui commandait alors ce régiment,
fit faire des recherches aux lieux où s'était battu le régiment.
On découvrit une ligne de fusils qui jalonnait l'ancienne tranchée
et émergeaient de l'herbe drue ; les fouilles permirent de reconnaître
que les fusils appartenaient bien à des hommes du 137e.
Le colonel ordonna une prise d'armes pour rendre honneurs aux anciens
du régiment, et par ses soins, on éleva à leur mémoire
un petit monument en bois. C'est ce monument en bois qui devait bientôt
céder la place au monument actuel. "
Ensuite, que la tranchée
est été marquée volontairement à l'aide de
vielles baïonnettes trouvées sur la champs de bataille, afin
de permettre une inhumation futur des corps. Où tout simplement,
que les baïonnettes n'aient jamais existées ? La encore, plusieurs
versions existent.
Reprenons la suite du témoignage de Jacques Péricard : "
Les fusils découverts par le colonel Collet ne portaient pas de
baïonnettes. Y avait-il, sur un autre point de la tranchée,
des fusils avec des baïonnettes, ou les baïonnettes actuelles
ont-elles été ajoutées après coup ? Nous l'ignorons.
Mais que la tranchée en question doive être appelée
Tranchée des Fusils, premier nom que lui donnèrent les journaux
et l'Illustration notamment, plutôt que Tranchée des Baïonnettes,
voilà qui laisse intact le fond de la question. "
Voici la version du colonel Marchal : "
Que s'est-il passé après le départ des survivants
? Le fait est que, de longs mois après, on a retrouvé la
tranchée comblée et une trentaine de baïonnettes qui
émergeaient du sol. Il est probable que les Allemands se sont contentés
de rejeter de la terre sur les nombreux cadavres français qui remplissaient
la tranchée et qu'ils n'ont pas touché aux fusils restés
appuyés contre la paroi de la tranchée. "
Voici enfin le ressenti du commandant P.,
plusieurs fois cité dans ce site, et qui donne toujours un point
de vue des plus intéressants : "
Deux ans après la guerre, des étrangers visitent le champ
de bataille de Verdun et remarquent une ligne de fusils dressés,
quelques-uns avec leur baïonnette. Ils auraient pu observer de semblables
lignes de fusils sur de nombreux points du front, car c'était l'habitude
des Français et des Allemands de jalonner ainsi les vieilles tranchées
qu'ils avaient comblées après avoir entassé dans
le fond des cadavres sans sépulture. Comme ces étrangers
ne connaissent rien à la guerre, ils croient à des hommes
enterrés debout à leur poste ; ils ne savent pas que les
obus ne peuvent fermer des tranchées, qu'au contraire, ils disloquent,
éparpillent les parois des tranchées et les corps des occupants.
Leur imagination s'enflamme. Ils voient des hommes sous un bombardement
en pluie, submergés peu à peu par les éboulis et
attendant, stoïques, que la terre montante recouvre leur poitrine,
leurs épaules, leur bouche, leurs yeux
Ils érigent
un monument.
Si ces étrangers ne méritent aucun blâme, il n'en
est pas de même des Français qui, connaissant la fausseté
de la légende, ont essayé de lui donner une consécration
historique. La Tranchée des Baïonnettes, qui n'était
au début qu'une innocente naïveté, est devenue, par
suite de certaines complicités, une imposture.
Néanmoins, si l'on me demandait quels titres spéciaux possède
la Tranchée des Baïonnettes, je répondrais : pas plus
de titres que n'importe quelle autre tranchée de Verdun, mais pas
moins non plus. Si ce monument, qui symbolise la ténacité
française, n'existait pas, s'il était question, aujourd'hui
seulement, de choisir l'emplacement où il dût s'élever
un jour, on pourrait discuter des titres de telle ou telle partie du champ
de bataille à cette gloire insigne. Car c'est tout le champ de
bataille de Verdun qui a été le théâtre d'héroïsme
inouï, de Vauquois à Calonne qu'il conviendrait de recouvrir
d'un vaste monument, car tout ce champ de bataille n'est qu'une vaste
Tranchée des Baïonnettes. Mais le monument existe, il a déjà
reçu les hommages, il a déjà vu les prières
et les larmes des foules pèlerines ; nous pouvons l'honorer en
toute tranquillité. "
Voila les données
que nous possédons aujourd'hui, je vous laisse vous faire votre
propre opinion.
La Tranchée des Baïonnettes en 1920 - La
Tranchée des Baïonnettes aujourd'hui
Rive gauche
R.A.S.
haut
- milieu - bas
13 juin
Rive droite
A 1 h 30, une attaque française est lancée sur le ravin
de la Mort mais sans succès.
R.A.S. pour le reste de la journée.
Rive gauche
R.A.S.
haut
- milieu - bas
14 juin
Rive droite
Le 65e R.I. relève le 95e au nord-ouest de la ferme de Thiaumont.
Témoignage du soldat LOUVART
du 65e R.I. : "
Le 14 juin, au nord-ouest de la ferme de Thiaumont, nous relevons le 93e
R.I. Deux jours après, nous retrouvons en ligne des gars du 93e
qui ne savaient pas que leur régiment avait été relevé.
"
R.A.S. pour le reste de la
journée.
Rive gauche
R.A.S.
haut
- milieu - bas
15
juin
Rive droite
Sur le front du 65e R.I., le bombardement allemand qui est perpétuel
a été très meurtrier.
Dans la matinée, une attaque allemande avec liquides enflammés
s'empare d'une tranchée que tenait le 65e.
A la nuit tombeé, avec l'aide d'une compagnie du 106e B.C.P., le
65e R.I. part à la contre-attaque et reprend la tranchée
qu'il a perdue le matin.
Rive gauche
Dès l'aube, l'artillerie française bombarde le sommet du
Mort-Homme.
A 15 h, le 311e R.I. appuyé des
22e et 23e compagnies du 312e R.I. s'élance à l'assaut de
la cote.
Aussitôt, les Allemands sortent de leurs tranchées de 1ère
ligne et se rendent. Le sommet du Mort-Homme est assez vite reconquis.
Soldats allemands qui se rendent
Les 22e et 23e compagnies du 312e tentent
de poursuivre leur progression sur la 2e ligne allemande, mais elles se
heurtent à un feu assez nourri et doivent se replier sur la crête
au côté du 311e.
haut
- milieu - bas
16 juin
Rive droite
R.A.S.
Rive gauchee
A 1 h, le 311e R.I. tente un nouvel
assaut sur les tranchées allemandes de 2e ligne. Cependant, l'ennemi
a eu le temps d'acheminer des renforts et la résistance est plus
vigoureuse. Les Français retournent dans leurs tranchées.
Le reste de la journée, en plus
du bombardement allemand, l'artillerie française qui n'est pas
au courant de l'avance réalisée la veille, bombarde sans
répit les positions françaises au sommet du Mort-Homme.
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- milieu - bas
17 juin
Rive droite
Une attaque française sur les tranchées d'Ypres et des Chasseurs
échoue.
Rive gauche
A 2 h, l'ennemi déclenche une violente contre-attaque sur le crête
du Mort-Homme. Le combat dure 1 h mais pas un pouce de terrain n'est perdu.
Le bombardement allemand reprend avec encore plus de violence, pendant
12 h d'affilée. Les pertes sont sévères. Un grand
nombre d'hommes sont commotionnés, ils sont physiquement et moralement
à bout de force.
A 23 h, un nouvel assaut allemand
avec liquide enflammé oblige les survivants des 2 compagnies du
312e R.I. à se replier dans les positions qu'elles tenaient le
15 juin.
A minuit, malgré l'extrème fatigue des hommes, une contre-attaque
rétablit la situation. Les 1eres lignes allemandes sont reconquises..
A 1 h, les éléments
du 311e et 312e R.I. sont relevés de la crête du Mort-Homme.
Témoignage d'un officier du
312e R.I. : "
Du 15 juin au petit jour jusqu'au 17 juin au soir, le total des pertes
est, pour la compagnie, de 67 hommes et de 800 à peu près
pour le régiment. Le 311e est littéralement fauché.
Les deux régiments ont enlevé aux Boches plus de mille mètres
de tranchée, on fait 200 prisonniers et se sont emparés
de plusieurs mitrailleuses. Ils étaient composés de Provençaux
et de Parisiens. "
haut
- milieu - bas
18 juin
Rive droite
R.A.S.
Dans la nuit, la 12e D.I. (54e, 67e, 106e et 132e R.I.) relève
la 63e D.I. et monte en ligne du ravin des Fontaines à la Laufée.
Rive gauche
R.A.S.
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- milieu - bas
19 juin
Rive droite et rive gauche
R.A.S.
haut
- milieu - bas
20 juin
Rive droite
Certains points du front connaissent un calme relatif. Tous les autres
subissent le bombardement habituel de l'artillerie allemande.
Les effectifs du 1er juin
sur le front de Verdun était de 14 948 officiers et de 568 523
hommes de troupe. A la date du 20 juin, la 2e Armée compte 9 E.-M.
de Corps d'Armée et 29 divisions représentant 15 842 officiers
et 586 443 hommes de troupe.
Rive gauche
Les Allemands tentent de rejeter les Français des pentes du Mort-Homme.
Des combats locaux ne donnent pas de résultat.
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- milieu - bas
21 juin - Préparation
d'artillerie allemande sur tous les fronts de la rive droite
Rive droite
A partir de 8 h, le bombardement allemand s'étend à
tous les fronts de la rive droite. Toute la matinée, des obus de
gros calibres tombent sans relache du bois de Nawé à la
ferme de Dicourt. L'artillerie française tente de répondre
mais avec beaucoup moins de force et d'ampleur.
Dans l'après-midi, l'ennemi lance
une attaque entre le ravin des Fontaines et les abords sud-est du fort
de Vaux, que tient la 12e D.I. Le 67e R.I. en ligne dans le bois Fumin
repousse 3 vagues d'assaut successives.
Le 1er bataillon du 54e R.I., également en position dans le bois,
est quant à lui submergé. Ses 3e et 4e compagnies sont anéanties.
L'ennemi s'engouffre immédiatement dans l'espace et contourne les
1er et 2e compagnies. La lutte est âpre mais rapidement, les Français
sont maîtrisés et faits prisonniers.
Ce 1er bataillon qui comptait 18 officiers et 950 hommes, rentrera avec
seulement 9 officiers dont 4 blessés et 203 hommes dont 33 blessés.
Le 67e R.I. voyant que l'ennemi a ouvert
une brèche, tente alors de reprendre le terrain qu'occupait le
54e R.I. Deux de ses compagnies lancent une contre-attaque et parviennent
à reprendre un élément de tranchée. Quelques
survivants du 54e qui s'étaient réfugiés dans les
trous d'obus avoisinants se rallient aux hommes du 67e.
Cependant, la brèche n'est pas totalement
refermée et l'ennemi continue son enfoncement dans les lignes françaises.
A la nuit, il tente de contourner le 3e bataillon du 132e R.I. qui a beaucoup
souffert du bombardement durant la journée et n'est pas du tout
en état de subir cette attaque. Les hommes du 3e bataillon, n'ayant
plus rien à perdre, décident de devancer l'ennemi et de
s'élancer vers lui de manière imposante, faisant ainsi croire
qu'ils sont très nombreux, bien armés et determinés
à se battre. La ruse fonctionne car l'ennemi stoppe sa manoeuvre
et s'enterre sur place. Le 3e bataillon fait de même face à
lui.
A 22 h, des éléments du 106e
et du 132e R.I. viennent renforcer le 3e bataillon.
La brèche n'est pas refermée mais l'ennemi est contenu et
les positions face à lui sont renforcées.
Rive gauche
Les Allemands tentent de rejeter les Français des pentes du Mort-Homme.
Des combats locaux ne donnent pas de résultat.
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- milieu - bas
22 juin - Pression allemande
sur tous les fronts de la rive droite
Rive droite
A l'aube, à l'est des Carrières, une reconnaissance allemande
est repoussée par le 67e R.I.
A midi, nouvelle attaque est également
repoussée. En représailles, un furieux bombardement s'abat
sur les positions françaises, et plus particulièrement celle
tenue par le 67e.
A 13 h, une contre-attaque par les 2e et
3e bataillons du 54e R.I. est décidée vers la cote 349,
à l'ouest du fort de Vaux. Le 2e bataillon, renforcé par
3 compagnies du 106e et 2 compagnies du 132e doit partir à droite,
alors que le 3e bataillon doit se diriger sur la gauche. Le 245e R.I.
reste en soutien.
A l'heure prévue, plusieurs compagnies sont déjà
anéanties par le bombardement qui est très violent. D'autres
sont bloquées devant les lignes allemandes, prises sous le feu
des mitrailleuses. D'autres encore se déportent en avançant
et n'atteignent pas leur objectif.
Finalement, cette attaque n'apporte aucun résultat, sinon de faire
tuer des hommes.
Ce jour, il est décidé par
le commandement Français d'évacuer le Tunnel de Tavannes
en raison de la proximité croissante de la ligne de front.
Ce tunnel situé au nord ouest du fort de Tavannes, long de 1400
m et large de 5, est un ancien tunnel
ferroviaire d'une seule voie, sur la ligne Verdun-Metz. Dès
le début de la bataille, il sert d'abri aux troupes françaises,
aux services de secours, aux brancardiers, téléphonistes,
artificiers, génie
(Voir la partie "Fortifications", "Le tunnel de Tavannes").
Il est prévue d'effectuer l'évacuation par la sortie est.
De plus, les dispositions sont prises pour faire sauter le tunnel si les
Allemands parvenaient à s'y introduire.
Le Tunnel de Tavanne
Entrée est du tunnel de Tavannes
Le soir, le bombardement allemand est toujours
très violent. De Haudaumont à Discourt, de nombreux obus
toxiques sont signalés. Des nuages de gaz compacts s'étalent
jusqu'à Verdun.
Les relèves qui doivent s'effectuer durant la nuit sont lentes
et difficiles. Le port du masque à gaz rendu obligatoire ralentit
considérablement la progression. De nombreux soldats et officiers
surpris par les gaz durant la nuit, ou trop longtemps exposés sous
leur masque mal étanche, meurent après une terrible agonie.
La panique s'empare de beaucoup d'autres
Témoignage de Léon Rogez, du 39e R.I. : "
Pour arriver sur son emplacement, entre l'abri 320 et Fleury, où
il devait remplacer le 1er bataillon, passé en première
ligne, le 3e bataillon, pris par les gaz dès la sortie de Verdun,
fit preuve d'une énorme volonté. Les masques, ou trop serrés
congestionnaient les hommes, ou mal ajustés ne les préservaient
pas de l'empoisonnement. La chute dans un trou était fatale, le
choc déplaçait le masque, l'air vicié arrivait aux
bronches et, malgré les tentatives de ses camarades, le soldat
supliait de le laisser mourir. "
Témoignage du capitaine Gagneur : "
Les malheureux qui, soit insouciance, soit affolement, ajustèrent
mal leurs masques, succombèrent dans d'indicibles tortures. Rien
n'est poignant comme ces agonies ! J'ai vu des visages marbrés,
aux bouches baveuses d'une écume rosée, tordus de convulsions
exaspérées, des doigts crispés labourant des poitrines,
j'ai entendu des quintes affreuses, et des ahanements, et des cris de
coq enroué qui amenaient des flots de sang aux lèvres décolorées."
Cette nuit du 22 au 23 juin fut une nuit
de cauchemar pour les Poilus.
Rive gauche
Deux attaques allemandes massives sont lancées sur la cote 304
mais elles sont repoussées.
Durant la nuit, un violent
bombardement alllemand par obus toxiques s'abat sur la région Bois-Bourrus.
Les batteries françaises subissent d'importantes pertes.
haut
- milieu - bas
23 juin - Pression allemande
vers Verdun (de Froideterre-Thiaumont à Vaux-Chapitre) (rive droite)
Rive droite
A 7 h 35, après une nuit sans accalmie, le bombardement baisse
soudain d'intensité. Aussitôt, 50 000 Allemands s'élancent
avec lance-flammes et fumigènes. Ils s'étalent de la côte
de Froideterre à celle de Vaux-Chapitre, soit un front de 6 km
de large. Ils ont face à eux des régiments français
à bout de force.
S'engage alors sur ces 6 km de front une
multitude d'actions locales qu'il serait fastidieux de vouloir décrire,
tant elles sont subites, imprévues, sans ordres préalables
et menées, du côté français tout du moins,
dans un élan de désespoir.
Ce chaos qui règne entre les lignes, le désordre et le manque
de communications fait que dés le début, le gouvernement
français pert tout contrôle et ne peut ébaucher aucune
tactique.
Chaque régiment, perdu et isolé sur son secteur, tente désespérément
de repousser les assaillants qui se présentent face à lui.
Cette lutte acharné qu'il mène pour sa survie, l'empêche
de s'intéresser ni prendre part aux évènements qui
se déroulent directement à sa gauche ou à sa droite.
Voici les grandes actions de la journée
:
Très tôt, l'ouvrage de Thiaumont tombe aux mains de l'ennemi,
faisant 50 prisonniers français.
L'ennemi poursuit sa marche et atteint
les abords du boyau des Caurettes en progressant entre la cote de Froidetette
et le bois des Trois Cornes.
Entre le village de Fleury et l'abris 320,
et la poudrière de Fleury, les 1er et 2e bataillons du 39e R.I.
sont anéantis. L'abri 320 est contourné puis pris. L'ennemi
poursuit ensuite sa progression en direction de Verdun.
Témoignage de Léon Rogez, du 39e R.I. : "
Dans l'abri 320, les hommes, depuis cinq jours en ligne, harassés,
mourant de faim, de soif, tombaient de sommeil. Pas de secours possible,
la liaison avec l'arrière n'existait plus depuis la veille ; à
droite, à gauche, que peut-il rester ?
A 7 heures, quelques coups de fusil. Puis le barrage se met en marche
et derrière lui, si près qu'ils en subissent les atteintes,
des groupes ennemis surgissent et se butent à nos survivants.
Nos survivants ! Noirs de poussière, de poudre et de sang, saoulés
par le carnage, brandissant leurs armes comme des possédés,
ils jaillissent du sol au milieu des cadavres et des blessés implorants.
Eperdus de colère, ils ne connaissent plus que leur vengeance.
Où ils se dressent, l'Allemands n'avance pas. Mais bientôt,
il apparaît derrière eux, s'étant infiltré
entre nos fractions, à la faveur des nuages de poussière
et de fumée
Les rares survivants sont capturés et
dirigés aussitôt vers l'arrière des lignes ennemies.
"
Le 121e B.C.P., en position sur la côte
de Froideterre, résiste énergiquement sur sa partie gauche
et parvient à repousser l'ennemi. Cependant, son centre et sa droite
sont submergés et de nombreux chasseurs sont faits prisonniers.
Sur un effectif initial de 1150 hommes, 561 sont morts, 260 sont blessés
et 250 sont faits prisonniers.
L'ennemi s'avance ensuite sur les positions
que tenait le 121e B.C.P., et se présente sur la ligne Fleury-Abri
des Quatre Cheminées.
Le secteur du village de Fleury est tenu par 2 compagnies du 239e. Elles
resistent tant bien que mal, mais que peuvent telles prétendrent
dans leur état d'épuisement. Elles sont totalement anéanties.
L'abri des 4 Cheminées
est l'un des 3 abris de troupe qui existent dans le secteur de Verdun.
Il se trouve dans la pente sud du ravin des Vignes, dans le secteur de
Froideterre, à environ 1 km au sud-est de l'ouvrage de Froideterre.
Il se présente sous la forme d'une longue galerie voûtée
creusée à 12 m de profondeur et faisant 60 m de long. Deux
entrées prolongées par un long escalier permettent l'accès.
L'aération est assurée par 4 cheminées, ce qui à
donné son nom à l'abri. A
l'origine , l'ouvrage est prévu pour loger des troupes de réserve
et constituer une étape pour les relèves montantes. Cependant,
avec la bataille de Verdun, il est rapidement réquisitionné
pour servir de poste de secours et d'état-major. Il sert notamment
de poste de transition dans le rapatriement des blessés durant
la nuit, vers le village de Bras (voir également
la partie "Fortifications", "L'abri des Quatre Cheminées").
L'abri des Quatre Cheminés
Depuis l'abri des Quatre Cheminés,
on a suivit la progression des Allemands et l'on se prépare au
combat. Mais la supériorité numérique de l'ennemi
et sa puissance de feu sont trop importantes.
Témoignage du capitaine Paul Ginisy : "
Déjà de petits groupes grimpaient, au sud, les pentes de
Fleury et abordaient le village ; nous suivions leur mouvement, tirant
de toutes nos armes disponibles
mais des mitrailleuses, braquées
sur nos deux entrées, nous interdirent bien vite la plate-forme
; on reflua dans l'abri et les hommes que nous tentâmes de placer
sur les premières marches furent régulièrement abattus
Ce fût, dans l'abri, un indescriptible émoi, des allées
et venue épouvantées parmi les plaintes des blessés
et les hoquets des asphyxiés, et des sacs à terre qui s'étaient
enflammés répandaient une fumée âcre qui obscurcissait
l'abri et empuantissait l'atmosphère irrespirable déjà.
Soudain deux explosions fulgurantes (de grenades) dans les descentes firent
trembler l'abri, des éclats ricochèrent. Il y eu un remous
d'hommes éperdus, se ruant dans l'ombre avec une grande clameur
insensée
un silence mortel succéda
Figés,
nous attendions, impuissants, n'espérant plus qu'une mort rapide
et pas trop douloureuse
"
L'abri des Quatre Cheminées
En poursuivant plus au sud-ouest sur 1
km, par la crête Fleury-Thiaumont, l'ennemi atteint à 9 h
30, l'ouvrage de Froideterre.
Cet ouvrage a été construit
entre 1887-1888. Bien quau départ, il devait être un
simple poste dinfanterie, il fut complètement réorganisé
de 1902 à 1904. De nouveaux abris et une caserne pour 142 hommes
couchés ont été construits ; deux postes dobservation
cuirassés ainsi quune casemate de Bourge à gauche
ont été ajoutée ; une tourelle rotative de 75 équipée
de 2 canons courts et que 2 tourelles de 2 mitrailleuses sont venues compléter
larmement ; un fossé de 10 m de largeur sur 5 m de profondeur
a été creusé tout autour de louvrage ainsi
quun réservoir à eau. En temps normal, louvrage
peut accueillir 140 hommes, mais à présent, c'est plus de
200 hommes qui occupent les lieux (voir également
la partie "Fortifications", "L'ouvrage de Froideterre").
L'ouvrage de Froideterre
Déjà, toutes les liaisons
de l'ouvrage ont été coupées par le bombardement,
les coureurs ne peuvent plus passer, les signaux optiques n'obtiennent
aucune réponse.
L'ennemi encerclent l'ouvrage et
gravit la superstructure. La tourelle de mitrailleuse est aussitôt
levée mais des débris l'empêchent de tourner. Au même
instant, une grenade à main lancée dans une crevasse enflamme
le stock de fusées de signalisation. A l'intérieur, l'air
devient irrespirable et la panique gagne les hommes. Cependant, équipés
de leur masque, ils parviennent à éteindre les flammes et
à poursuivre le combat.
Jusqu'à 11 h, la résistance est âpre autour de l'ouvrage.
A ce moment, la tourelle panoramique de mitrailleuse parvient à
être décoincée, elle arrose tout autour d'elle est
contraint les Allemands et se terrer sur place.
L'ouvrage de Froideterre
Dans les autres secteurs, la bataille ne
faiblie pas. Les Allemands tentent une percée à la côte
321 et à la lisière sud-ouest du bois de Nawè. Ces
positions sont tenue par les 359e R.I., 106e et 120e B.C.P. Sur ces 2
points, la progression des Allemands est brisée mais au prix de
quel effort ?
Témoignage du canonnier servant FOURMOND, 115e batterie, 44e R.A.C.
: "
Je me dois de signaler l'héroïsme d'un soldat du 359e R.I.
qui, blessé lui-même, transporta sur son dos, des hauteur
de Thiaumont à la route de Verdun à Bras, c'est-à-dire
sur un parcours de plusieurs kilomètres, un camarade affreusement
mutilé, en traversant des tirs de barrage de pièces lourdes
sans jamais s'arrêter. Ils perdaient tellement de sang, l'un et
l'autre, qu'on les eut dits vêtus de capotes écarlates ;
ils passèrent près de nous et le porteur avait une expression
empreinte d'une énergie tellement farouche que son visage en était
effrayant. "
A lisière ouest du bois de Nawé,
les éléments des 405e et 407e R.I. sont débordés
et doivent se replier vers la carrière du ravin des Fontaines
Il est à présent urgent et
impératif aux forces françaises de réagir et de contre-attaquer.
Le 106e B.C.P. qui est positionné vers le flanc nord-ouest de la
cote de Froideterre est le premier à passer à l'action.
Il contre-attaque face à lui et parvient à réoccuper
le retranchement X et la batterie C.
Quatre compagnies du 114e B.C.P., en réserve
au bois des Vignes, se portent en toute urgence à l'ouvrage des
Quatre Cheminés pour le renforcer. En chemin, de nombreux soldats
tombent foudroyés par les obus toxiques. Mais les hommes tiennent
bon.
Dès leur arrivée, l'ouvrage et toujours encerclé
par les Allemands qui tentent vainement d'y pénétrer. Aussitôt,
les chasseurs contre-attaquent à la baïonnette et réussissent
à faire reculer l'ennemi et à dégager l'ouvrage.
Témoignage du lieutenant Remlinger : "
L'ennemi se trouvait aux abords de notre abri des Quatre Cheminées.
Ses mitrailleuses battaient les entrées de notre poste-ambulance.
Soudain surgit le commandant Desoffy avec le 114e bataillon de chasseurs
alplins qui avait réussi à traverser la nappe empoisonnée.
" Mon colonel, voici le 114e. - Dieu soit loué ! Desoffy,
reconduisez sans tarder les Allemands à la baïonnettes ! "
La conversation ne dépassa pas ces deux phrases. Quelques minutes
plus tard, des cris de charge, des hurlements d'hommes retentirent. C'était
l'exécution de l'ordre. "
Les chasseurs du 114e B.C.P. poursuivent ensuite leur progression vers
l'ouvrage de Froideterre qu'ils trouvent dans la même situation.
Ils chargent aussitôt et refoulent les Allemands vers le village
Fleury. Ils sont rejoint ensuite par 2 compagnies du 297e R.I.
Le 114e B.C.P a repris un front de plus de 1500 m (700 m en avant de l'ouvrage
de Froideterre).
Ce repli subit de l'armée allemande
permet à 2 compagnies du 239e et 2 autres du 39e de se porter en
renfort au sud de Fleury et à l'ouest de la Poudrière.
Comme la veille, il s'en est fallu de peu
que l'ordre de faire sauter le tunnel de Tavannes ne soit donné,
comme nous le raconte le colonel Bagès, commandant la 24e brigade
: "
Il y eu dans la soirée du 23 juin, un moment où je crus
que tout allait craquer. Le lieutenant-colonel Maurel me faisait savoir
qu'au Chênoir, c'était une boucherie. Des blessés
saisis d'épouvante arrivaient en criant que les Allemands étaient
tout proches. Il y avait même des blessés ennemis.
L'air était empesté ; plus de liaisons possibles. Seuls,
les pigeons voyageurs pouvaient passer. C'était un vacarme infernal
et l'on eût dit que tout allait s'effondrer.
Nous étions ahuris ou presque fou.
Un moment je crus que l'heure de faire sauter le tunnel était venue
J'étais résolu à me faire sauter moi-même au
besoin. "
Durant cette terrible journée, le
front français à failli céder. L'ennemi s'est emparé
de toute la crête allant du village de Fleury à l'ouvrage
de Thiaumont. Puis, à poursuivit sa progression vers les bois au
sud de Fleury et sur la crête de Froideterre, au sud ouest de Thiaumont.
Cependant, l'ordre était de " tenir jusqu'au bout. ",
et les soldats français l'ont fait, la vague allemande a été
une fois de plus stoppée ! Mais ils ne sont plus, désormais,
qu'à 3 km de la ville.
Témoignage du colonel Bagès, commandant la 24e brigade :
"
Nous fûmes sur le point d'être balayés, submergés,
sachant que, derrière nous, il n'y avait pas de fantassin disponible.
Des barrages intenses, surtout dans le fond de Vaux et dans le ravin de
la Horgne où venaient se rassembler des unités d'attaque,
des contre-attaques menées sans relâche, avec des unités
épuisées conduites par des cadres admirables, nous sauvèrent
du péril d'être jetés à la Meuse
Le jour où la 24e brigade quitta Verdun pour aller au repos, je
passai dans les rangs des survivants. En voyant la faiblesse des effectifs,
les larmes vinrent à mes yeux et j'étais cependant bien
endurci. Les hommes étaient encore tout tremblants de cette fièvre
nerveuse que nous avons tous connue.
Chers camarades des 54e, 106e, 132e, 245e broyés dans cette lutte
sans merci ou rescapés, je vous ai aimés, admirés,
soutenus dans ces heures si graves. C'est avec un orgueil plein de tendresse
et d'affection que j'écris ces lignes pour que ne périsse
pas dans l'oubli le souvenir de votre gloire. "
Dans la soirée, le général
Pétain a téléphoné au général
de Castelnau, relayant la demande insistante du général
Nivelle de pourvoir Verdun en renforts immédiats. Il obtient 4
divisions fraîches disponibles dés le lendemain.
De plus, dès le matin, le général Nivelle avait fait
venir sur Verdun la 60e D.I . (202, 225e, 247e et 248e R.I.) et la 131e
D.I. (7e, 14e, 41e et 241e R.I.). Mais ces renforts n'arrivèrent
aux tranchées qu'en fin d'après midi, et ne participèrent
donc pas aux combats du 23.
Rive gauche
De 4 h 30 à 8 h, le bombardement allemand s'intensifie sur la région
Bois-Bourrus.
Deux attaques allemandes sont
repoussées aux abords est et ouest de la cote 304. Une 3e plus
importante entre le ravin de la Hayette et le Mort-Homme est également
mise en échec.
Front au 23 juin 1916
haut
- milieu - bas
24 juin - Tentative française
pour reprendre Thiaumont-Fleury (rive droite)
Rive droite
A 3 h 30, le 19e B.C.P. en ligne au bois Fumin lance une attaque en direction
du ravin des Fontaines et de la croupe de Vaux-Chapitre mais cette action
ne donne aucun résultat.
A 5 h, 2 bataillons du 63e et 1 bataillon
du 297e R.I. se portent en avant vers Froideterre-Thiaumont. Ils ne peuvent
dépasser le retranchement Y et la batterie B.
A 10 h 30, le 171e R.I. lance une attaque
à la Vaux-Régnier mais ne parvient pas à progresser.
Dans l'après-midi, les 2 bataillons
du 63e et celui du 297e tentent un nouvel assaut vers Froideterre-Thiaumont
mais qui là aussi, ne donne pas de résultat.
Témoignage de J.-B.-André
CHAROY, soldat au 9e Génie, compagnie 6/1 : "
En haut du tunnel de Tavannes, un spectacle horrible nous attend avec
les premières lueurs de l'aube ; une section de mitrailleuses,
peut-être plus, est là, anéantie, broyée sur
une longueur de 50 mètres de boyau. Je reconnais l'uniforme bleu
foncé des chasseurs à pied, l'écusson 26, je distingue
les corps tourmentés, crispés dans d'affreuses convulsions,
par endroits projetés les uns sur les autres ou massés par
une commune terreur ; des flaques rouges et fraîches, des mitrailleuses
tordues, fracassées
Quelle atroce agonie ont-ils dû
subir cette nuit sous le barrage allemand ? Je retiens à peine
mes larmes et dans une prière fervente, je salue mes pauvres camarades
!
"
Rive gauche
R.A.S.
haut
- milieu - bas
25 juin - Tentative française
pour reprendre Thiaumont-Fleury (rive droite)
Rive droite
Dans la nuit, le général Mangin demande une amélioration
des lignes dans les secteurs de Thiaumont et Fleury.
Dès 2 h, le 340e R.I. en ligne derrière
Thiaumont, part à l'attaque face à lui et progresse par
les pentes sud du ravin des Trois Cornes. A 3 h, il a atteint le retranchement
Z près de l'ouvrage de Thiaumont.
Au même moment, le 63e R.I. s'élance
des pentes de Froideterre en direction du l'abri 119. Arrivé devant
l'abri, un tir de mitrailleuse meurtrier oblige les hommes à se
terrer dans les trous d'obus. Ils y resteront jusqu'au soir.
De même, le 348e R.I. qui a pour
mission de dépasser le village de Fleury et tenter d'atteindre
les abris 320, ne parvient qu'à progresser que très faiblement.
A 8 h, le général Mangin
réitère sa demande de progression impérative sur
Thiaumont et Fleury.
Toute la journée, de nouvelles attaques
sont menées tandis que celles en cours se poursuivent. Mais aucunes
ne parvient à forcer les lignes ennemies.
Rive gauche
Nouvelle attaque allemande sur les pentes sud-ouest du Mort-Homme. Les
Français perdent un peu de terrain.
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26 juin - Tentative française
pour reprendre Thiaumont-Fleury (rive droite)
Rive droite
Les attaques commencées la veille vers les secteurs de Thiaumont
et Fleury se poursuivent mais sans plus de succès.
Une attaque concentrée de plus grande envergure, visant à
reprendre l'ouvrage de Thiaumont, la cote 321 et la crête Thiaumont-Fleury
est envisagée pour le lendemain.
Toute la journée, l'artillerie française martèle
ces positions avec force et les fantassins se préparent.
Témoignage de Frédéric
BAYON, soldat au 126e R.I. : "
Il y avait derrière nous, à gauche du fortin des Quatre-Cheminées,
trois ou quatre batteries de 155 qui nous cassaient les oreilles tous
les matins pendant quatre heures d 'affilée et remettaient ça
bien souvent dans l'après-midi. Mais un jour, elles furent repérées
et les 210 commencèrent à pleuvoir.
A la relève, nous passâmes à cet endroit et l'on nous
dit qu'il y était tombé plus de 1200 obus de 210 pour réduire
ces pièces au silence. Nous le crûmes facilement en voyant
le terrain ravagé, les pièces enterrées, les "cagnas"
démolies et les caissons éventrés. Comme elles avaient
l'ordre de tenir, elles avaient tenu jusqu'au dernier servant. "
Rive gauche
Des éléments du 312e R.I. lancent une contre-attaque sur
les pentes sud-ouest du Mort-Homme et reprennent le terrain perdu la veille.
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27 juin - Tentative française
pour reprendre Thiaumont-Fleury (rive droite)
Rive droite
A 4 h 30, le 261e et 340e R.I. s'élancent de la croupe nord-ouest
du bois des Trois Cornes. Les 2 régiments avancent sous un feu
nourri et doivent stopper face à la batterie C et au PC 119. Certains
éléments sur la gauche parviennent jusqu'à la cote
321.
Les 41e et 241e R.I. s'élancent
quant à eux en direction de Fleury mais ne peuvent aborder le village
dont les caves sont fortement gardé par l'ennemi. Les pertes sont
très lourdes, le 241e perd les 2/3 de son effectif..
Le 6e bataillon du 241e R.I. forme une ligne de défense à
la lisière sud du village.
Au soir, aucune avancée marquante
n'a été réalisée et les positions allemandes
sont pratiquement les mêmes qu'au 23 juin au soir.
Depuis 5 jours, les pertes du côté français mais aussi
du côté allemand ont été très lourdes.
- Le 39e R.I. : 48 officiers et 1.633 homme ;
- Le 261e R.I. : 28 officiers et 1.200 hommes ;
- Le 202e R.I. n'a plus que 200 hommes ;
- Le 239e R.I. n'a plus que 6 officers et 150 hommes ;.
- Des 3 divisions en ligne, 12e, 129e et 130e D.I., ont perdu respectivement
4.832, 4.167 et 3.974 officiers et hommes de troupes. L'épuisement
des hommes en ligne est intense.
Témoignage de Georges FERET, soldat
au 172e R.I.: "
Le 27 au soir, le 172e relève le 106e. Le terrain est bouleversé
par les trous d'obus ; nous cherchons notre route à l'éclair
des éclatements. C'est alors que je me trouve face à face
avec un gars du 106e. Je lui demande en criant de toutes mes forces, à
cause du bruit des éclatements, des renseignements sur les emplacements.
Il répond à ma question péniblement, la voix rauque,
la gorge en feu. C'est à peine s'il peut articuler ses mots, tellement
il a soif. Alors, je lui offre un peu d'eau de mon bidon, il me répond
: "Ah ! non, garde-la, tu en auras besoin."
Ce souvenir ne m'a jamais quitté. Ce brave type savait ce qui m'attendait
et ne voulait pas distraire une goutte de cette eau qui m'allait être
si utile. Puisse ce frère d'armes lire ces quelques lignes ; ce
serait une joie pour moi de pouvoir lui serrer la main."
En 2 jours de combat, le 106e R.I. a eu
224 tués dont 7 officiers, 644 blessés dont 11 officiers,
82 disparus.
Rive gauche
R.A.S.
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28 et 29 juin - Tentative
française pour reprendre Thiaumont-Fleury (rive droite)
Rive droite
Les attaques françaises sur Fleury et Thiaumont se poursuivent
toute la journée mais sans grand résultat.
La 129e D.I. (106e, 114e, 120e et 121e B.C.P., 297e et 359e R.I) est relevée
par la 60e (202e, 225e, 247e et 248e R.I.) dans le secteur de la Marguerite
(de la tranchée d'Ypres au P.C. 119 et au ravin des Vignes).
Rive gauche
R.A.S.
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30 juin - Tentative française
pour reprendre Thiaumont-Fleury (rive droite)
Rive droite
Les 4e et 5e bataillons du 248e R.I. ont reçu l'ordre de se porter
sur Thiaumont et d'attaquer face à eux, sous les ordres de leur
chef de corps, le lieutenant-colonel Marchand. Cependant, ce n'est qu'au
levé du jour qu'ils parviennent au retranchement Z et ses abords,
qui constituent leur base de départ.
Leur placement n'est pas achevé que l'artillerie française,
non renseignée sur les mouvements des lignes, déclenche
un formidable tir de barrage et leur inflige de lourdes pertes au point
de les désorganiser en partie. En conséquence, le lieutenant-colonel
Marchand propose de remettre l'attaque au lendemain. Cependant, sa demande
est rejetée.
Témoignage du commandant P
: "
Sur quoi s'est basé le chef en 2e lignes pour ne pas écouter
le commandant du régiment qui demande que l'attaque soit remise
au lendemain ? Celui-ci seul connaît la vraie situation ; et il
est seul à même de juger si son attaque peut ou non réussir.
Sauf dans le cas très particulier où la situation générale
le commanderait d'une façon absolue, et où l'on est obligé
de consentir le sacrifice d'une troupe pour sauver le reste, sauf ce cas
très spécial, on doit toujours écouter le chef de
la 1ere ligne. Certains petits états-majors se sont montrés
ardents pour des attaques sans but, sans préparation, "pour
la gloire". Ils auraient dû avoir le courage de dire à
leur grand chef : "Non, l'attaque, dans les conditions du moment
actuel, n'est pas possible". Et le grand chef se serait rangé
à leur avis. "
A 10 h, les restes des 2 bataillons s'élancent
donc en direction de l'ouvrage de Thiaumont. Assez rapidement, les hommes
en sous-effectifs sont fauchés par les tirs des mitrailleuses ennemies
qui battent la pente.
Les hommes se rassemblent dans les trous
d'obus et attendent la nuit. Une nouvelle tentative est ordonnée
pour le lendemain.
Témoignage de l'adjudant VIDAL,
aujourd'hui capitaine, du 4e Zouaves : "
Dans cette lutte incroyable de résistance, j'ai vécu auprès
de mes hommes, que j'aimais par dessus tout, des heures d'héroïsme
d'une magnifique beauté, exaltées par un pur sentiment de
patriotisme.
A ce moment-là, j'étais encore adjudant, de sorte que je
me trouvais en contact immédiat avec mes hommes. Tous se montrèrent
les dignes successeurs de leurs devanciers, les fameux zouaves de la Garde
de 1870. Dans les moments les plus critiques où j'étais
plus que jamais leur ultime conseiller de tous les instants, ils comprenaient
très bien que le salut de la patrie était entre leurs mains
; c'est pourquoi ils me disaient toujours, après chaque marmitage
particulièrement violent : "Mon adjudant, on va rire, ils
vont sortir, attention
" et je vous assure que les Allemands
étaient reçus de telle façon qu'ils rebroussaient
chemin immédiatement.
J'ai crispé dans mon souvenir ces fameuses et simples paroles d'un
mourant : "Mon adjudant, nous les avons eus quand même ; que
je suis content
" Le malheureux expirait ensuite avec un léger
sourire qui me fit frissonner jusqu'au fond de mon être, et je n'ai
pu m'empêcher de l'embrasser. "
Rive gauche
R.A.S.
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