21 février - Le déclenchement de la bataille de Verdun
Soudain, à 7 h 15, un obus déchire le calme du petit jour, puis un second, puis 10, puis 1000... En quelques secondes, les positions Fr.,
soit un grand arc de cercle de 12 km au nord de Verdun, deviennent un
véritable enfer. Chaque instant, un obus tombe dans un bruit assourdissant,
faisant trembler le sol et soulevant des vagues énormes de terre.
Tous ce qui est autour est projeté dans les airs, des troncs d'arbres
déchiquetés, des branches, des pierres, des poutres, des
éléments de tranchées, des morceaux de canons et
de fusils, des corps humains en lambeaux. Une épaisse fumé
mélanger à une poussière irrespirable a remplacée
l'air. Témoignage du général NAYRAL De BOURGON : " L'émotion inévitable sous le feu produit chez beaucoup une stupeur où disparaît l'intelligence, où la vue même s'obscurcit par la dilatation des pupilles ; les traits du visage se contractent, les yeux deviennent hagards, l'homme agit par réflexes au milieu d'une sorte de brouillard psychique et même physique où il perd conscience de lui-même " Durant 1 h, le bombardement ne touche que la ligne de front (bois des Caures, bois de Herbebois, bois d'Haumont, bois de Ville, cap de Bonne Espérance), et les positions directement en arrières (bois de la Wavrille, bois de Fosses, bois de Louvemont, massif de d'Hardaumont, villages de Bezonvaux et de Vaux). Mais à 8 h du matin, il s'étend subitement plus en profondeur jusqu'à Avocourt sur la rive gauche et jusqu'aux Paroches sur la rive droite. Les canons de gros calibres battent méthodiquement chaques abris, carrefours, ponts, voies d'accès, le but étant d'empêcher les renforts de pouvoir approcher. Les aviateurs Fr. qui rentrent de mission d'observation rapportent n'avoir vu d'un bout à l'autre du front qu'une large bande de fumé et une ligne de feu ininterrompu au raz du sol, tellement la cadence du tir All. est intense et que les pièces sont reprochées. Le général Passaga, dans son P.C. au Lac Noir, dans les Vosges, à 160 km, écrit dans son journal : " ...je perçois nettement par le sol de mon abri un roulement de tambour incessant, ponctué de rapides coups de grosse caisse. " Que sait le commandement Fr. ? Pas grand-chose que des obus tombent sur Verdun. Quant aux lieux précis, aux dégâts, aux pertes, aux positions exactes à communiquer à l'artillerie pour tenter un tir de contre barrage ? Rien en somme Toutes les communication téléphoniques sont coupées et la fumé opaque empêche tout tir à vu. Aucune riposte n'est possible pour le moment. Subitement, à 16 h, le tir s'allonge, 2 millions d'obus sont tombés depuis 7 h 15, soit 3800 par minute. Aussitôt, 8 divisions All., avec de nombreux lance-flamme, sortent de leurs tranchées et s'avancent sur une bande de 6 km. Contrairement aux assauts "habituels", ces hommes en lignes ne courent pas, ils progressent lentement, l'arme à la bretelle pour certain, subjugués par le spectacle qu'ils ont devant les yeux ; les bois n'existent plus, seuls des troncs d'arbres calcinés demeurent verticaux ; la terre labourée fume encore ; d'innombrables cratères immenses parsèment le sol, on dirait qu'une mer de boue agitée c'est subitement figé. La neige tombe lentement sur ce paysage désolé. Les 300 à 1500 m qui séparent les lignes All. des lignes Fr., selon les endroits, sont parcourus de ce pas carme. Ensuite, certaines unités traversent les premières positions Fr. sans s'en apercevoir, le terrain est tellement bouleversé qu'aucun détail visuel ne permet de savoir qu'il y avait une tranchée à cet endroit (ni rondins de bois, ni sacs de sable, ni êtres humains). A d'autres endroits, les fantassins All.
trouvent des hommes qu'ils croient morts. En faite, ces soldats sont endormis,
leur fatigue nerveuse était telle que lorsque le bombardement s'est
allongé et qu'un calme relatif et survenu, leurs nerfs ont lâché
et ils sont tombés dans un profond sommeil. Ils sont là,
immobiles au milieu des cadavres de leurs camarades. Mais en d'autres endroits, les unités All. voient quant à elles, avec stupeur, des hommes se dresser devant elles. Ce sont de véritables loques humaines, titubantes, sourdes, noires de poussière et de boue, les yeux hagards et injectés de sang, à demi-fou. Et ces hommes, lorsqu'ils ne sont pas blessés, dans un réflexe de désespoir, trouvent la force de chercher et de réarmer un fusil, de mettre une mitrailleuse en batterie, de tirer et de lancer des grenades. Sur les 12 km de front, ce même scénario
se reproduit. A la lisière nord du bois de Caures, au bois d'Haumont,
au bois de Ville, à l'Herbebois, des soldats Fr. trouvent la volonté
de se défende, retrouve leur devoir de soldat et ouvrent le feu
sur les lignes All. qui s'avancent vers eux. Au bois des Caures, tenu par les 56e et
59e B.C.P. et commandés par le colonel Driant, 300 à 400
hommes sont encore en vie sur un effectif de 1300. Le jeune lieutenant
Robin, commandant la 9e compagnie, parvient à tenir durant plusieurs
heures, avec une poignet d'homme, un minuscule ouvrage à demi effondré.
Lorsque les All. sont parvenu à encercler l'ouvrage et arrivent
de 3 directions en même temps, l'affrontement se poursuit au corps
à corps. A la lisière du même bois,
les survivants de la 7e compagnie, aux ordres du capitaine Seguin, repoussent
successivement 4 assauts. La nuit tombe sous la neige et les combats
désespérés se poursuivent. Le bombardement qui déchaîne
à présent les secondes lignes empêche tout renfort
de porter secours. Les pertes Fr. ont été cruelles, les hommes du 30e corps se sont battus non à 1 contre 3, mais à 1 contre 10 et parfois à 1 contre 20.
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