Pourquoi
les Allemands ont choisi d'attaquer à Verdun ?

Début 1916, l'Allemagne a besoin d'une victoire militaire marquante.
Pour 3 raisons, le général
von Falkenhayn, commandant en chef du front de l'ouest songe à
frapper un grand coup ;
- ses ressources en hommes et en matériels ne sont pas inépuisables,
contrairement aux alliés ;
- les Allemands commencent à douter
de l'issue du conflit et subissent les effets de la guerre lisibles à
travers la presse, il y a donc nécessité à remonter
le moral national ;
- l'Allemagne a besoin d'un élément
de négociation pour imposer sa paix.
Or toutes les hypothèses d'attaque sur le front oriental semblent
présenter peu d'intérêt ou trop d'inconvénients
; de plus, l'Angleterre est très dangereuse par sa puissance navale
et parce qu'elle instaurera tôt ou tard le service national et pourra
jeter dans la bataille des forces neuves, d'où la volonté
de décourager cette dernière en saignant à blanc
"sa meilleure épée", la France.
Ce choix aurait également l'avantage
de mettre la Russie (en la privant du soutien occidental) dans l'incapacité
de maintenir son effort de guerre. En conséquence, le front français
apparaît comme la seule solution.
Pour cela, le général von
Falkenhayn prévoit une offensive écrasante sur un secteur
limité, afin de ne pas trop dégarnir les autres points.
L'objectif territorial importe peu, il ne s'agit pas d'occuper, mais de
tuer.
Sa tactique est d'attaquer en tenaille un saillant du front français
et d'employer intensément l'artillerie avec une technique de hachoir
ou "Trommelfeuer". L'artillerie lamine en profondeur les lignes
ennemies et permet à l'infanterie d'occuper le terrain, ainsi détruit,
quasiment sans combattre. En outre, cette tactique favorise la suppression
des traditionnels combats d'infanterie.
Deux villes offrent cette caractéristique,
Belfort et Verdun. Falkenhayn retient finalement Verdun car les forces
françaises, acculées à la Meuse qui coupe en 2 le
saillant, seront contraintes de se battre le dos au fleuve. Mal reliées
à leurs arrières, elles seront comme prises dans une nasse.
Les collines entourant la place de Verdun offrent des positions idéales
pour contrôler le secteur et bombarder la ville. La présence
de forêts profondes et de bois permet d'acheminer, dans une relative
discrétion, hommes et matériels, notamment en Woëvre.
Du reste, d'excellents observatoires naturels sont déjà
aux mains des Allemands : Crête de Romagne, Jumelles d'Ornes...
Falkenhayn n'ignore pas non plus, grâce à ses réseaux
de renseignement, que la place forte de Verdun est très affaiblie
par le désarmement des forts et le retrait de garnisons décidés
en août 1915 par l'Etat-major français...

Verdun
L'offensive doit permettre de réduire
le saillant. C'est de là qu'une attaque française pourrait
être déclenchée afin de "rendre intenable le
front allemand". De plus, le saillant de Verdun menace les voies
de communications allemandes proches d'à peine 20 km et semble
présenter "un danger d'une grande importance militaire".
L'état-major allemand ne pense pas
devoir redouter une contre-attaque française en raison de la faiblesse
des communications de Verdun avec l'arrière. Les liaisons ferrées
avec Chalons et Nancy sont coupées, de même que la voie reliant
Verdun à Sainte-Menehould, coupée à hauteur d'Aubréville.
Il existe encore l'étroite voie ferrée, mal entretenue,
tracée entre Bar-le-Duc et Verdun : le Meusien. En revanche, les
Allemands disposent de 14 voies ferrées (dont 11 construites par
leur soin), ce qui facilite l'acheminement rapide des soldats et des matériels.
En outre, ils peuvent s'appuyer sur l'arrière-pays industriel de
Moselle, du Luxembourg ainsi que sur les bassins miniers du haut-pays
lorrain.
Enfin Verdun a une signification affective particulière pour les
Allemands. C'est là qu'en 843 a été partagé
l'empire de Charlemagne, commune référence de l'histoire
française et allemande. Depuis les 2 pays se sont bien souvent
disputé la place (en 1792 et en 1870). Verdun est l'avant-poste
de la France face à la forteresse allemande de Metz.
Aussi, estime Falkenhayn, les Français défendront ce lieu
symbolique jusqu'au dernier homme et que l'état-major français
y engagera ses réserves. Une fois prise dans la nasse, leur armée
y sera saignée à blanc, exterminée à un point
où elle ne pourra pas se relever.
En cas de succès retentissant, le prestige de la famille impériale
s'en trouvera renforcé.

|