L'artillerie de tranchée
Au début de la guerre, les Allemands possèdent déjà un certain nombre de mortiers de tranchée, les Minenwefers, qu'ils vont utiliser dès le début de la guerre de position. Il en existe de plusieurs calibres allant de 76 mm jusqu'à plus de 200 mm. Ils sont montés sur des châssis à roues. Leurs bombes explosives sont de la forme d'une bouteille de butane un peu arrondies aux deux bouts. Elles ont une trajectoire courbe, une fois arrivées au plus haut, elles oscillent, puis guidées par de petits d'ailerons, elles retombent verticalement. Lorsque le tir est bien ajusté et que la bombe retombe dans la tranchée adverse, les dégâts sont considérables.
Ces mortiers sont la terreur des hommes et un système de guetteurs qui gardent le regard fixé en l'air est mis en place. Lorsqu'un projectile est aperçu, ces guetteurs donnent un coup de sifflet. Tout le monde cesse aussitôt toutes activités et se précipite du côté qui lui semble le moins menacé. Parfois, dans l'affolement général, le côté n'est pas le bon. Il devient impératif que les Français
puissent répondre à leur tour à ces Minenwefers allemands.
Cela va se faire par le génie créatif de quelques hommes
et après de nombreux tâtonnements. Pendant ce temps, le commandant du géne Duchêne, imagine un système permettant d'utiliser les nombreuses douilles de 75 qui ne servent plus à rien. Elles sont remplies de grenaille et envoyées vers l'ennemi par un lanceur rudimentaire composé d'un pieu en bois incliné à 45°. Les premiers essais sont décevants, mais, en reprenant l'idée des projectiles allemands, 4 ailettes sont fixées à la douille, et finalement, un tir quasiment stabilisé parvient à être réalisé avec une portée de 200 à 300 mètres. Dans le même temps,
le capitaine d'artillerie Cellerier propose un autre système. Il
utilise les nombreux obus allemand de 77 mm qui n'explosent pas, comme
système de propulsion. Il a remarqué qu'une douille de 65
mm française modèle 1906, rentrait parfaitement dans le
corps d'un obus de 77 mm. Donc, fixé à un support inclinés
à 45°, un obus de 77 mm peut propulser une douille de 65 mm
chargée elle-même de poudre et de grenaille, et équipée
d une mèche lente.
De son côté, le capitaine Duchêne poursuit ses expérimentations. Afin d'obtenir plus de puissance, il réalise des tests avec un obus de 120 mm. Cependant la pénurie de munition commence à se faire sentir et le général Joffre demande que soit mis à l'étude : "Un engin efficace, économique, ne touchant pas les stocks de munitions existants". Duchêne abandonne son prototype. Enfin, fin décembre 1914, le capitaine
Duchêne concrétise enfin ses recherches et réalise
un mortier de tranchée à proprement dit. Ce mortier est
constitué d'un tube de 58 mm de diamètre
prolongé par une colonne, et fixée sur une semelle réalisée
à partir d'un tampon de chemin de fer. Le tube peut-être
incliné de manière précise grâce à un
chevalet pouvant coulisser sur la colonne. La charge propulsive, 60 g
de poudre, est introduite au fond du tube.
Le capitaine Duchêne poursuit ses
recherches dans un désir d'amélioration continue. Ainsi,
dés février 1915, il conçoit un second mortier basé
sur le premier, qui prend le nom officiel de "Mortier 58 T n°2".
Avec l'apparition du modèle n°2,
le mortier T58 n°1 cesse d'être produit. 110 exemplaires seulement
sortiront de l'usine de Chaléassière après la livraison
des 70 premiers. Il faut noter toutefois, que sur l'initiative du capitaine
Duchêne, le T58 n°1 subit néanmoins des modifications,
alors que le modèle T58 n°2 est déjà en commande.
Cela va donner un nouveau mortier nommé "Mortier 58 T n°1
bis". Il est commandé à l'industrie privé durant
la seconde quinzaine de mars, alors que le T58 n°2 est sur le point
d'être livré..
A la fin du mois de juin 1915, la france
dispose sur le front de 70 mortiers 58 T n°1, de 564 mortiers n°1
bis et de 276 mortiers 58 T n°2. Soit un total de 910 mortiers 58
T.
Des améliorations ne cessent d'être apportées durant les années qui suivent. De nouvelles bombes apparaissent, 18 kg et 35 kg, ainsi que des bombes au gaz. les portées augmentent, 1050 m (18 kg), 650 m (35 kg). Jusqu'à 1918, la production de mortiers augmente, passant de 1200 pièces en décembre 1915 à 4000 à la fin de 1917. A l'été 1918, avec la reprise de la guerre de mouvement, les effectifs diminuent, au profit de lartillerie lourde. Au premier mai 1918, on ne compte plus que 2622 pièces, dont 66 mortiers Van Deuren et 1858 mortiers de 58 T n°2.
Les Crapouillots : Avec l'apparition de cette nouvelle arme, un grand nombre de fantassins se portent volontaires pour la servir. Ils imaginent ainsi se distinguer du reste de la troupe et espèrent échapper à l'enfer et à la monotonie des tranchées. Cependant, il va s'avérer que leur mission sera très dangereuse et qu'ils seront bien souvent plus exposés que les autres. Rapidement, le haut-commandement s'aperçoit que cette nouvelle arme à besoin d'autonomie pour être efficace. Elle doit avoir un commandement autonome, ses propres moyens de transport, ses propres approvisionnement, sa propre formation... Joffre demande donc la création rapide d'une unité d'artilleurs spécialisés dans l'artillerie de tranchée. L'effectif d'une section est d'un chef de section, d'un adjoint, de 16 servants dont 4 chefs de pièces et de 8 pièces mortier. Au printemps 1915, le nombre d'unité n'a cessé d'accroitre, et le nombre de pièce par section passe à 12, ce qui permet d'augmenter la concentration du feu d'une position. Les hommes qui composant ces unités prennent vite le surnom de " crapouillot ", rapport à la forme des mortiers 58 T n°2 qui ressemblent à de petits crapauds, et du saut caractéristique qu'ils font au lancement d'un projectile. Le 18 juillet 1915, ils acquièrent officiellement un insigne de spécialité distinctif, une bombe à ailettes renversée. En 1917, le nombre de servants de batterie de tranchée est de 50 000 hommes. Cependant, à l'été 1918, avec la reprise de la guerre de mouvement, les sections de Crapouillots n'ont plus d'utilité. Elles sont dissoutes après 3 ans d'innombrables services rendus aux côtés de fantassins.
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