La voie Sacrée

 

Il existe 4 voies permettant de rallier Verdun par l'arrière :
- La voie ferrée de Commercy qui longe la Meuse, mais qui à Saint-Mihiel passe en terrain ennemi. Elle est donc inutilisable.
- La voie de chemin de fer de Saint-Menehould et Clermont-en-Argonne, mais qui à la hauteur d'Audreville est constamment détruite par le canon All. Elle ne peut donc servir que pour transporter un nombre restreint de matériel.
- Le petit chemin de fer " Meusien " à voie étroite, peu adapté. Lui aussi, ne peut permettre l'acheminement que de petits matériels.
- Enfin, la route départementale Bar-le-Duc-Verdun.

 

Cette voie traverse Bar-le-Duc, Naives, Erize-la-Brûlée, Rosnes, Erize-la-Grande, Erize-la-Petite, Chaumont-sur-Aires, Issoncourt, Hieppes, Souilly, Lemmes, le Moulin-Brûlé, Regret et entre à Verdun par le faubourg de Glorieux.
Elle épouse sur 75 km, le relief ondulé de cette région vallonnée, montant et descendant sans cesse. Depuis août 1915, elle a été élargie à 7 m, de sorte que 2 camions peuvent se croiser et un véhicule plus rapide peut passer au milieu. De plus
le général Herr a fait raffermir la chaussée

 

 

 

Dés le début de la bataille, il apparaît clairement au commandement Fr. que cette voie d'accès, hors d'atteinte de l'ennemi, est la plus sûr et la plus adapté pour acheminer un grand nombre de troupes, de minutions et de matériel vers Verdun. Pire encore, si son trafic est interrompu pour une raison ou pour une autre, la bataille est perdu.

Dés le 22 février une commission régulatrice est créé afin de d'orchestrer et réguler au mieux le flux de véhicule. Il est décider de faire partir les convois de Badonvilliers afin d'éviter un engorgement total à Bar-le-Duc. Une file ininterrompue de camions de toutes sortes s'engagent alors sur la route gelée et alimente la bataille en troupes fraîches. Dans l'autre sens, une autre file ramène les combattants vers l'arrière. A cela, vient s'ajouter les camions de munitions, de vivres, de matériels divers, les voitures sanitaires, toutes sortes de véhicules des services des armées, camionnettes de courriers, génies, artillerie, aviation, camouflage, auto-camion, auto-projecteurs, télégraphie, radiotélégraphie, etc… qu'il faut bien laisser passer au milieu des autres.
Les troupes montantes sont chargées aux environs de Bar-le-Duc et débarquées à Nixéville ou Blercourt, suivant l'intensité du bombardement. Là, sont reprises les relèves descendantes pour les conduire au repos, soit à l'ouest de Bar-le-Duc : Brabant-le-Roi, Revigny, Neuville-sur-Orne, soit au sud dans la région entre Saint-Dizier et Ligny-en-Barrois.

Les munitions arrives par trains dans les gares de Bar-le-Duc, Baudonvilliers, etc… et chargées dans les camions. 300 tonnes peuvent être chargées en 3 heures. Lorsque 30 camions sont prêts, ils partent sans tarder vers les dépôts de munition. Il en va de même pour le matériel et les vivres. Les nombreux dépôts sont disséminés dans les villages derrière Verdun, à Heippes, Souilly, Lemmes, fort de Dugny, carrière d'Haudainville, fort de Landremont, fort de Balleray, ect. Ils constituent les bases arrière de la bataille.

Ce que l'on va appeler la " noria " semble s'être bien mise en place et semble bien huilée durant les premiers jours de combats. Lorsque soudain, le 1er mars, en milieu de journée, Le général Pétain reçoit un coup de téléphone à son Q.G. de Souilly.
C'est le dégel !!! Le froid persistant depuis le 21 février a maintenu un sol gelé évitant aux lourds camions de s'embourber. Avec le redoux constaté depuis la veille, la première autoroute de l'histoire se transforme en une succession de fondrières et les roues pleines des véhicules commencent à s'enliser et à tourner sans prise dans la boue épaisse. En plusieurs endroits, des camions immobilisés bloquent le passage et interrompent la progression.

Pétain est parfaitement conscient que si la situation n'est pas rétablie dans 72 heures, c'est un désastre. L'accalmie relative dont fait preuve actuellement l'armée All. ne saurait durer et présage inévitablement un nouvel effort imminent, sur la rive droite et peu être également sur la rive gauche. L'arrivé d'hommes, de munitions et de matériel doit absolument continuer à tourner à sa vitesse maximale
Pétain, lucide, ordonne alors les mesures les plus logiques et les plus simples à mettre en place dans une telle situation. Il instaure en même temps un règlement très strict et une discipline de fer à tenir tout au long de la bataille.

Pour rendre la route un peu prêt praticable, il faut boucher les trous avec des cailloux et passer un rouleau compresseur. Cependant, aucun tas de pierres n'a été prévu au bord de la route. De plus, il est impossible de rechercher ces matériaux au loin, cela prendrait trop de temps et comment les acheminer puisque la route est bloquée.
Pétain donne donc l'ordre d'ouvrir le plus prêt possible de la route des carrières de pierres tendres du pays. Des équipes de civils et de territoriaux les exploitent aussitôt. Mois de 48 heures après le dégel, plus de mille travailleurs sont répartie tout au long des 75 km et lancent nuit et jour dans les trous boueux, des pelleté de pierres.
Il est impossible d'employer les rouleaux compresseurs qui ralentiraient le trafic. Pétain donne l'ordre que se soit les camions eux même qui remplissent ce rôle avec leurs roues à bandage plein. Cette manœuvre se trouve facilité par le fait que les pierre de la Meuse sont tendres.

La noria a donc reprise rapidement mais une route réparée de façon si précaire est vouée à s'animer très vite, surtout soumise à un trafic si intense. Pétain donne donc pour finir un ordre simple, cette réfection ne doit jamais s'arrêter. Elle doit durer, comme le trafic, 24h sur 24 et aussi longtemps que cela sera nécessaire.
Ainsi, cette route fût la première de l'histoire à être simultanément détruite et reconstruite. Les trous se forment, un vieux territorial y jette une pelleté de cailloux que le camion suivant tasse de ces roues, quelques camions plus loin, le trou se reforme et l'on recommence.

Pétain instaure également un règlement très strict, tout véhicule tombé en panne ou ayant crevé est immédiatement poussé de côté. En parallèle, une section de dépannage est mise sur pied, on improvise au bord de la route des ateliers de fabrication de pièces de rechange, les parcs automobiles de Bar-le-Duc et de Troyes travaillent nuit et jour à la conception de bandages caoutchoutés qui sont livrés dans ces atelier de campagnes.

Témoignage du soldat Louis FEBVRE : " Ce nom a été donné par Maurice Barrès à la route de Verdun à Bar-le-Duc qui a joué un si vaste rôle pendant la bataille en permettant le ravitaillement en hommes, en vivres et en munitions
La grande ligne de chemin de fer coupée, Verdun se trouvait isolée du reste de la France. Le petit tacot meusien, malgré toute sa bonne volonté, n'avait qu'un débit tout à fait réduit. On mit en état cette route et, nuit et jour, tant que dura la bataille, un double fleuve se mit à rouler, le fleuve des camions qui montaient à Verdun emportant les combattants et les munitions, le fleuve des camions qui descendaient de Verdun avec les blessés et les combattants en relève.
De place en place, des postes de territoriaux. Quand un obus ou une bombe d'avion tombait sur la route et la crevait d'un entonnoir, l'équipe de territoriaux la plus proche se précipitait et réparait la route. Les à-coups étaient nombreux, mais ne duraient jamais longtemps, tant chacun avait conscience de sa responsabilité, tant il se hâtait à sa tâche, quel que fût le danger couru.
La Voix Sacrée est un symbole. On a reproché aux Français de ne pas être des organisateurs, il eût été plus juste de leur reprocher d'être des imprévoyants.
Sur la Voix sacrée, la discipline était de fer. Aucune voiture à cheval, sous quelque prétexte que ce fût, ne s'intercalait entre les convois. Des fourgons attelés, qui n'avaient pourtant besoin de suivre la route interdite que pendant 100 ou 200 mètres, ont été contraints, pour ne pas déranger cette belle horlogerie, à faire un détour de plusieurs lieues. Ici, avec une autorité magnifique et une parfaite intelligence, on sacrifiait tout à l'essentiel : le service des tranchées de Verdun. Cette calme leçon d'énergie donnait une grande confiance aux hommes. "

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Ainsi, tout au long de la bataille, 16 bat. (8200 hommes) seront affectés à l'entretient de la route et à l'extraction des carrières. Ils jetteront entre 700 000 et 900 000 tonnes de pierres sur la route.
Durant 10 mois, chaque semaine, 3500 camions effectueront l'allée retour Bar-le-Duc Verdun, soit en moyenne, un camion toutes les 14 secondes. Certains jours, il sera constaté une fréquence d'un camion toutes les 5 secondes. Toujours à la semaine, tous véhicules confondus, il sera effectué 1 millions de km sur la voie (soit 25 fois la circonférence de la terre), 90 000 hommes et 50 000 tonnes de matériels seront transportés.
Si l'on tente de chiffrer le tonnage total qui a été transporté, englobant le matériel, les munitions, les combattants et les blessés, se chiffre parait atteindre les 2 millions de tonnes.