Le fort de Douaumont
Le fort de Douaumont a été
construit en 1885 par le général Séré de Rivières.
A 2 km à l'est du village de Douaumont, il se trouve à 388
m d'altitude, le point le plus haut des côtes de Meuse.
Il est le plus imposant, le
plus moderne et le mieux armé des forts de Verdun. Cependant, construit
à la base en maçonnerie de pierre, il a subi très
rapidement une série de modifications visant à le rendre
plus résistant aux nouveaux explosifs et projectiles.
En 1888, une couche de béton de 2,5 m est ajoutée au-dessus
de la caserne et les casemates sont renforcées d'une dalle de béton
de 1,5 m. Entre cette nouvelle couche de béton et la maçonnerie
de pierre, une couche de 1 m de sable vient faire office d'amortisseur.
Les parties enterrées sont recouvertes de 5 m de terre. Les murs
de soutènement sont quant à eux recouverts d'une plaque
métallique sur une hauteur de 5 m. Le fossé est agrandi
à une largeur de 12 m de large sur une profondeur de 8 m. Il est
ensuite prolongé d'un puissant réseau de fil de fer de 30
m de large.
La partie centrale du fort
est constituée par la caserne. Elle s'étend sur 2 étages,
un rez-de-chaussée et un sous-sol, et comporte de nombreuses salles.
On trouve au rez-de-chaussée la laverie, la cuisine, la boulangerie,
l'hôpital, le poste de commandement et les réserves de munitions.
A l'étage inférieur, la citerne d'eau, 2 réservoirs
et la réserve de poudre.
L'armement du fort a également
été modernisé. De 1907 à 1909, une tourelle
de canon 155 mm est ajoutée. Ce canon peut tirer des obus de 43
kg à une distance de 7 km. Entre 1911 et 1913, une tourelle de
2 canons de 75 mm, 2 tourelles de mitrailleuses ainsi que 4 observatoires
blindés viennent s'ajouterà l'armement existant.
Ordinairement, sa garnison
compte 500 hommes pouvant atteindre 800, mais par le décret du
5 août 1915, elle a été supprimée ainsi que
son armement et ses approvisionnements.
Ce décret prévoie en
effet le désarmement de toutes les fortifications fixes de la ceinture
fortifiée de Verdun. Le commandement suprême a pensé
qu'elles étaient devenues inutiles, ce qui est somme toute défendable
dans la situation de la guerre en août 1915.
Cela, pour plusieurs raisons : Ces fortifications ont un rôle passif
par rapport aux armées de campagnes sur lesquelles on mise tout
en 1915. Elles sont pilonnées et détruites par l'artillerie
lourde ; Elles nécessitent une énorme consommation de munitions
qui doivent être acheminée par des voies qu'il faut sécuriser
; Ces obus lourds et la logistique qu'il faut déployer pour les
acheminer en sécurité pourrait être employées
plus utilement sur d'autres points du front.
Finalement, les canons des
tourelles (155 et 75) du fort qui devaient également être
enlevés, ont finalement été laissés en place.
Leur démontage représentant quelques difficultés.
Plans du
fort :
Coupe
suivant XY
Caserne
centrale
Historique
du fort :
25 février - Perte du fort de
Douaumont
Le 25 février au matin, le général de Castelnau,
qui a reçu les pleins pouvoirs du général Joffre,
confie au général Pétain le commandement de la région
fortifiée de Verdun et des forces arrivant sur les deux rives.
Dés 8 h, le bombardement allemand
s'intensifie sur les positions françaises. Il doit anéantir,
écraser l'ennemi avant de violents et brusques assauts sur toute
la largeur du front. L'objectif étant de pouvoir avancer uniformément
et suffisamment afin de pouvoir, dans la journée, lancer une attaque
à la fois par l'ouest et l'est sur le fort de Douaumont.
Le fort de Douaumont est en effet devenu
un objectif essentiel pour le commandement allemand, et il compte mettre
tout en uvre pour le conquérir. Il représente un refuge
sûr au milieu du champs de bataille ; un abri parfait pour stocker
des munitions, reposer les troupes, soigner les blessés les plus
urgents et mettre les autres à l'abris avant leur évacuation
; un point d'appui important et stratégique pour la poursuite du
mouvement en direction de Verdun.
Cependant, l'ouvrage est important et fait peur aux hommes de troupes
comme aux officiers : "
La vue de Douaumont était imposante pour les voyageurs venant du
nord. Elle a vivement impressionné les troupes allemandes arrivant
dans la région au commencement de février 1916 pour donner
l'assaut à la forteresse de Verdun. Cette masse dominante, disaient
les nouveaux venus, devait contenir une nombreuse garnison, être
pourvue d'un armement puissant. Son attaque serait une grosse affaire
pleine d'incertitude ; les pertes seraient lourdes. Les officiers allemands
entendaient ces propos dans la troupe et s'efforçaient de réagir
contre leurs effets déprimants. "
Le fort de Douaumont
Toute la matinée, les Allemands
opèrent d'importants mouvements d'infiltration dans le bois des
Fosses. Vers 11 h, ils se portent
à l'attaque de la cote 344 et au sud du bois des Fosses (à
l'est du fort).
A midi, une seconde attaque entre Louvemont
et la cote 347 permet à l'ennemi de prendre pied dans quelques
maisons du village de Louvemont (à l'ouest du fort).
A 15 h, toute la ligne Louvemont - bois
de la Vauche est attaquée (face au fort). L'ennemi parvient à
pénétrer dans Louvemont et une violente action s'engage
jusqu'à 16 h. L'armée française recule peu à
peu.
A 17 h, alors que le soleil se couche,
la 8e compagnie du 21e régiment d'infanterie allemand, commandée
par le lieutenant Brandis, se trouve à 700 m du fort de Douaumont.
De ses positions, elle aperçoit à l'horizon, la silhouette
imposante du fort. Aucune activité ne semble l'animer, aucun obus
n'est lancé de ses canons, il semble complètement inerte
au milieu de la bataille. Par contre, autour, dans la plaine, de nombreux
soldats français se replis, complètement dépassés
par l'avancé allemande de la journée.
Alors, électrisée
par cette déroute française, Brandis décide avec
quelques hommes de s'avancer vers le fort. La petite troupe arrive sans
encombre au réseau de barbelés, ouvre une brèche
à la cisaille, descende dans le fossé à l'aide d'un
tronc d'arbre.
Les troupes allemandes descendant dans le
fossé du fort
Puis, voyant les tourelles
du fort vide de défenseurs, qu'aucun coup de feu ne part de la
tranchée de tir du rempart, les soldats gravissent la superstructure
de l'édifice. Le seul danger vient des percutants allemands, la
fumée est si dense que l'artillerie ne voit pas les fusées
demandant l'allongement du tir.
Un fossé du fort et la superstructure
Peu de temps après,
les hommes y pénètrent par plusieurs entrées et courent
bientôt dans les couloirs sombres. En débouchant dans la
cour centrale, ils tombent nez à nez avec une 50e de Territoriaux,
sans armes et complètement ébahis. Les territoriaux sont
aussitôt fait prisonnier.
Un peu plus tard, un régiment allemand commandé par le capitaine
Haupt, qui est entré par l'accés principal du fort, porte
ouverte, pont-levis baissé, pénètre à son
tour dans la cour. Le fort de Douaumont est dès lors aux mains
des Allemands. Dans la soirée, plus de 300 autres viennent s'y
installer et renforcer ainsi l'ouvrage.
L'entrèe du fort et la court intérieure
Pour comprendre comment un tel événement
a pu se produire, il est important d'apporter quelques précisions
:
1 - Le front de Verdun se trouvait à
plusieurs kilomètres au nord du fort de Douaumont, et il n'avait
pas bougé depuis plus de 18 mois. De plus, comme nous l'avons vu
au chapitre " Le désarmement des forts de Verdun ", en
haut de cette page, la garnison du fort avait été supprimée
et ses approvisionnements réduits. Ceci explique qu'il n'y ait
eu qu'un si petit nombre d'homme dans le fort le 25 février à
17 h.
Nous pouvons trouver étonnant que les troupes françaises
arrivées très récemment dans le voisinage du fort,
dans la nuit du 24 au 25 par exemple, et étant soumis à
un très violent bombardement, n'ont pas d'elles-mêmes prisent
la décision d'aller se réfugier dans l'ouvrage. Ce qui aurait
fait plus de défenseurs à l'arrivé des Allemands
à 17h
Cependant, chaque troupe qui se battait en campagne à proximité
du fort était soumise comme les autres, depuis l'aurore, à
de durs combats inégaux. Les officiers étaient trop occupés
à défendre le secteur qui leurs avait été
affecté, et ne songeaient pas à aller renforcer le fort.
De plus, ces officiers avaient appris dans les écoles militaires
que les troupes de campagne et les ouvrages permanents devaient rester
indépendants. Ils n'étaient pas psychologiquement formés
pour aller s'enfermer dans un ouvrage.
2 - L'avance allemande ayant été
si importante et si subite depuis le 21, les occupants du fort n'étaient
pas du tout au courant de la proximité de l'ennemi. Dans la tumulte
de ces 4 derniers jours, personne au commandement français n'a
pensé, pris le temps ou même jugé bon de les en avertir.
Aucun préparatif défensif n'a donc été fait
en prévision de l'arrivée des Allemands.
On peut également trouver étonnant que violemment bombardé
depuis 4 jours et disposant d'un si bel observatoire, les occupants du
fort ne se soit pas rendu compte ni ai pris la peine de s'informer sur
l'avancé allemande. De violents combats se déroulaient devant
et autours d'eux, il était tout de même clair qu'il se passait
quelque chose dehors
Témoignage du général
ROUQUEROL :
" La nuit n'était pas encore tombée sur les plateaux
glacées de la rive droite de la Meuse, le 25 février 1916,
que la nouvelle de la prise du fort de Douaumont se propageait en traînée
de poudre parmi les troupes allemandes massées dans le voisinage
pour une attaque devenu inutile.
Les trois mots magiques : Douaumont ist gefangen, passaient de bouche
à oreille et portaient rapidement la grande nouvelle dans les cantonnements
les plus éloignés. Elle y provoquait l'explosion d'un enthousiasme
indescriptible.
Le bulletin allemand du 26 février annonçait pompeusement
la prise d'assaut par le 24e régiment de Brandebourg du fort de
Douaumont, la pierre angulaire de la forteresse de Verdun. L'Allemagne
entière pavoisait et voyait luire l'espoir d'une fin prochaine
de la guerre
Dès le 25 février au soir, le fort de Douaumont reprenait,
sous ses nouveaux maîtres, une activité et une conscience
pour ceux qui n'ont cessé avant et pendant la guerre de dénigrer
la fortification permanente jusqu'à la négation de son utilité
par le décret du 5 août 1915 et ses fâcheuses applications.
L'abandon du fort de Douaumont équivaut dans l'ensemble de la guerre
à la perte d'une centaine de mille hommes ".
20 mai
- Grande offensive pour reprendre le fort de Douaumont
Depuis la perte du fort
de Douaumont, le 25 février, le G.Q.G. n'a jamais cessé
d'imaginer un plan pour le reprendre. Le général Joffre
a inlassablement réclamé cette offensive au général
Pétain, mais ce dernier, conscient de l'infériorité
de l'artillerie française sur l'artillerie allemande, a toujours
tenté d'en reculer l'échéance. Le 12 avril, le général
Nivelle a tout de même été missionné pour mettre
sur pied un plan d'attaque. Mission qu'il a lui même confié
à son subordonné direct, le général Mangin.
Tout les mois de mars et avril,
le général Mangin reconsidère et repense ce plan
d'attaque. C'est le 13 mai qu'il fixe définitivement le projet
et en arrête les objectifs.
Ils sont : la reconquête de la tranchée Morchée ;
l'enveloppement du fort de Douaumont par le nord ; la reprise de la batterie
et de la tourelle 3.212 à l'est du fort, puis le fort lui même.
L'offensive est prévue
pour le 22 mai. La 5e D.I. (36e, 74e, 129e et 274e R.I.) appuyée
par la 36e (18e, 34e, 49e et 218e R.I.) et une puissante artillerie doivent
attaquer simultanément dans un même élan. L'artillerie
doit embraser les lignes allemandes durant les 7 jours qui précèdent
l'attaque afin de désorganiser l'artillerie et miner le moral de
l'ennemi.
Cependant, dès le 13 mai, jour où le général
Nivelle rend public le projet d'attaque, la 5e D.I. allemande alors en
position dans le secteur du fort de Douaumont reçoit "bizarrement"
l'ordre de stopper toute opération offensive et de renforcer la
défense du fort. Manifestement, l'ennemi a été renseigné
du projet français. Par ailleurs, il déclenche le 20 mai
une contre-préparation d'artillerie qui très vite surpasse
la notre.
Témoignage du général Pétain : "
les troupes d'assaut subissaient, à partir du 20 mai, des pertes
sensibles du fait que nous ne possédions par la supériorité
du feu
"
21 mai
La préparation d'artillerie
précèdent l'attaque du fort de Douaumont se poursuit.
Le général Mangin, depuis
son Q.G. recueille les rapports des généraux d'artillerie
qui lui affirment que le fort de Douaumont n'est plus qu'une ruine et
que l'attaque ne va être qu'une formalité.. Enthousiasme,
il néglige d'envoyer des patrouille pour vérifier l'exactitude
des propos.
Témoignage de Lefebvre-Dibon, chef de bataillon du 74e R.I. : "
A la réunion qui précéda l'attaque du fort à
à laquelle prirent part les officiers supérieurs de la division,
le général Mangin nous avait affirmé que la préparation
d'artillerie nous permettrait d'arriver au fort l'arme à la bretelle,
car le fort serait complètement anéanti. "
Mangin rédige son ordre du jour
: "
Vous aller reformer vos rangs éclaircis. Beaucoup d'entre vous
iront porter au sein de leur famille l'ardeur guerrière et la soif
de vengeance qui vous animent. Mais il n'est point de repos pour les Français
tant que le sauvage ennemi foule le sol sacrè de la Partrie ; point
de paix pour le monde tant que le monstre du militarisme prussien n'est
pas abattu.
Donc, vous vous préparerez à de nouveaux combats, où
vous apporterez la certitude absolue de votre supériorité
sur l'ennemi, que vous avez vu si souvent fuir ou lever les bras devant
vos baïonnettes et vos grenades. Vous en êtes sûrs maintenant
: tout Allemand qui pénètre dans une tranchée de
la 5e Division est mort ou prisonnier, toute position méthodiquement
attaquée par la 5e Division est une position prise !
Vous marchez sous l'aile de la victoire ! "
22 mai
Le jour se lève sur un ciel sans nuage, présageant une magnifique
journée de printemps.
Vers 11 h, le général Mangin se rend à l'observatoire
de Souville d'ou il domine la pleine. A l'horizon, le fort de Douaumont
disparaît dans la fumé des éclatements. Les secteurs
de chaque côté du fort sont également en ébullition,
quoi que le feu soit un peu moins nourri à l'est.
Mangin est serein, tout semble
se dérouler comme prévue.
Subitement, à 11 h 40, dans un tonnerre
assourdissant, le barrage de 75 se déclenche et vient s'abattre
juste devant les positions françaises, au point voulu, sur l'étendu
voulu, comme un rideau magique. Le bombardement allemand n'a pas cessé
pour autant.
A 11 h 50, l'attaque est lancée,
toute la première ligne française sort de ses tranchés
et s'élance à travers les obus allemands. Les premiers combattants
tombent, mais le barrage roulant de 75 et parfaitement ajusté et
progresse exactement à la vitesse voulu (particulièrement
sur la droite du dispositif).
Voyons les différentes actions les
unes après les autres :
Sur le front à l'extrême gauche
:
Le 3e bataillon du 36e R.I. s'élance à l'heure H en direction
de son objectif, la tranchée Morchée. Il recule une fois
mais renforcé de sa 8e compagnie restée en renfort, il repart
à l'assaut à 13 h et s'empare des tranchées Morchée
et du Bonnet d'Evêque. 150 prisonniers allemands sont envoyés
vers l'arrière et de nombreux autres tentant de rejoindre le fort
de Douaumont sont abattus.
Cette réussite n'a pas été sans dommage pour le 3e
bataillon et les pertes ont été cruelles. A peu près
tous les officiers et sous-officiers ont été tués
ou grièvement blessés.
Sur le front gauche :
A l'heure H, 2 bataillons du 129e R.I. et quelques éléments
du Génie, s'élancent au pas de charge. Leurs objectifs sont
les abords immédiats du fort. Sur ce point, la préparation
d'artillerie a eu des conséquences bénéfiques car
les premières lignes allemandes, les secondes et les troisièmes
sont totalement dévastées. Les soldats allemands sont complètement
abrutis, ils sont tués ou fait prisonniers sans résistance.
A 12 h 01, soit 11 minutes après le commencement de l'assaut, l'objectif
est atteint et même dépassé. L'angle nord du fort
est occupé ainsi que la face nord-ouest jusqu'à l'angle
nord, le boyau Fontaine est repris, ainsi que les tranchées qui
défendent la face sud.
Témoignage du capitaine COUMES du 129e R.I. : "
Les sapeurs étaient si ardents à la lutte qu'ils se trouvaient
dans la flot de tête du 129e au moment de descendre dans les fossés
du fort.
Pendant ce temps, la première sections du génie qui comprenait
au départ deux sergents et vingt-sept hommes, atteignait le fossé
ouest. L'un des sergents, Lateur, était blessé au bras,
mais n'avait pas voulu abandonner ses hommes. C'est l'autre sergent Piau,
qui commandait la troupe.
Une fois dans le fossé, la section courut au coffre de contrescarpe
nord-ouest et y entra. Le coffre était intact et vide. Il restait
alors treize sapeurs autour de Piau. "
Les fossés du fort
A leur droite, d'autres éléments
Du 129e qui ont pour objectif la face nord, nord-est et le flanc est du
fort ne rencontrent pas la même facilité. Le bombardement
allemand qui a précédé l'attaque leur a causé
de lourdes pertes. Ils s'élancent néanmoins et atteignent
le fossé sud-est. Une fois à cet endroit, ils sont soumis
aux tirs des mitrailleuses ennemies venant du fort. Ils sont pris au piège,
acculés contre la paroi.
Au bout d'une heure de combat, le 1er bilan
n'est pas reluisant. Toutes les unités du 129e qui ont marché
sur le fort sont stoppées, bloquées sur place. Comme les
troupes allemandes sont toujours à l'abri dans le fort, l'artillerie
allemande déclenche un furieux bombardement par obus fusant sur
l'édifice. Cela cause des ravages dans les troupes françaises.
Des renforts sont demandés en urgence.
A 13 h, la 8e compagnie du 36e R.I. est
envoyée au secours du 129e R.I. D'un mouvement rapide elle parvient
à franchir les 600 m qui la séparent des 1eres lignes et
ne subit que peu de pertes par le tir de barrage allemand.
Aussitôt sur ses positions de départ, elle est envoyée
vers le 129e dans les fossés du fort.
Témoignage du capitaine de PERCIN, du 36e R.I. : "
Nous arrivâmes, un peu après 14 h 30, dans le fossé
sud-ouest du fort, sous un bombardement terrible, que notre mouvement,
visible de l'ennemi, avait eu sans doute pour effet d'intensifier, et
qui nous fit subir de lourdes pertes.
A l'entrée de la brèche sud-ouest, à côté
de l'entrée du fort que des combattants du 129e et du 3e génie
tentaient de forcer à coup de grenades, je trouvai le lieutenant
de Mussy qui s'était porté au-devant de ma compagnie. Nous
nous donnâmes une chaleureuse accolade. "
Mais plusieurs mitrailleuses ennemies bien
placées rende la tâche très périlleuse.
Tous les hommes encore valides se mettent à creuser des éléments
de tranchée allant du saillant nord-est, longeant la paroi et s'arrêtant
vers l'entrée du fort (soit 200 m).
Photo prise le 22 mai à 15
h montrant les éléments du 129e R.I.
dans la tranchée qu'ils ont ébauchée
(photo prise au X rouge)
Dans
la soirée, plusieurs attaques allemandes sortant du fort sur cette
tranchée improvisée sont repoussées.
A 23 h, une section de la 5e compagnie du 34e R.I. parvient à atteindre
la tranchée et vient la renforcer.
Sur le front droit (à la Caillette) :
A l'heure H, les hommes du 74e R.I. s'élancent et franchissent
toutes les tranchées ennemies. Les Allemands qui s'y trouvent se
rendent instantanément. La crête du fort est atteinte sans
trop de difficulté et les hommes s'afférent maintenant à
reconquérir un petit élément bétonné
appelé " le dépôt " qui semble fortement
gardée. Après un sanglant corps à corps, l'ennemi
recule et l'ouvrage est repris. Cependant, la situation est précaire
et le dépôt est soumis aux feux croisés venant des
cornes sud-est et nord-est du fort. Le commandant Lefebvre-Dibon décide
néanmoins d'y installer son P.C.
Témoignage du commandant Lefebvre-Dibon, chef de bataillon du 74e
R.I. : "
En y arrivant un spectacle effroyable s'offrit à mes yeux. Des
blessés s'y étaient traînés et se trouvaient
couchés au milieu de caisses en morceaux, de paillasses déchirées,
de bouteilles cassées, de fusils. Les cadavres allemands y étaient
nombreux et mêlés aux débris. Tout un côté
du dépôt se trouvait complètement ouvert dans la direction
d'une hauteur toute proche, d'où tirait les mitrailleuses ennemies
de droite, c'est-à-dire de la position que le 2e bataillon devait
enlever. Aussi, les pointeurs de ces mitrailleuses, apercevant des Français
se précipiter dans le dépôt dont ils voyaient le fond,
commencèrent-ils à tirer dedans. Les balles ricochent sur
les murs et nous frôlent quand elles ne nous atteignent pas. Avec
quelques hommes qui ont pu me suivre nous nous aplatissons et, ramassant
tous les matériaux que nous trouvons à portée de
la main, nous élevons une barricades provisoire pour masquer l'ouverture.
Aussitôt après je commence à mettre un peu d'ordre
dans l'intérieur, je fais jeter dehors tout ce qui est inutile,
à commencer par les cadavres ; j'arrange des planches en lits de
camp, je les garnis avec des morceaux de paillasse et j'y étends
les blessés.
Toutes les grenades et munitions sont empilées à l'entrée
pour former une réserve. Des sacs à terre, des enveloppes
de traversins rapidement ouvertes, sont remplis de gravois pour la barricade
qui s'élève et sur laquelle les Allemands continuent à
tirer.
Toute liaison est rompue avec les unités à gauche et à
droite. De tous les côtés, les blessés affluent au
" dépôt " et nombreux sont ceux à qui les
mitrailleuses allemandes infligent une nouvelle blessure, définitive
celle-là. "
Jusqu'au soir la situation reste précaire.
Sur le front à l'extrême droite :
Le 274e a pour mission d'appuyer l'attaque du 74e R.I. et d'enlever la
tranchée 333-334. A l'heure H, il est bloqué sur ses points
de départ en raison du bombardement allemand qui est d'une puissance
telle que toute sortie est impossible.
A la nuit, le bilan est triste :
Toute la partie est du fort a échappé aux Français.
Par ce côté, de nouveaux effectifs très importants
et de nombreux autres qui avaient quitté le fort pour ne pas être
faits prisonniers regagnent la forteresse. D'importants ravitaillements
en matériel sont également acheminés.
Le secteur de la Caillette et plus particulièrement le ravin de
la Mort est un véritable charnier.
Partout, les hommes qui ont attaqués aujourd'hui luttent désespérément
et de façon précaire pour conserver les maigres positions
qu'ils sont parvenus à conquérir.
La fatigue, la soif, la faim, la douleur physique, la désolation,
l'impuissance, voilà l'enfer des combattants de Verdun.
Durant toute la nuit, le bombardement se
poursuit de part et d'autre. Du côté allemand, il est beaucoup
plus violent et étendu.
Sur ordre du général Lebrun, le reste de la 36e D.I. monte
en ligne.
23 mai
A 7 h,
le commandant de Vulpillières du 34e R.I., sous les ordres du général
Mangin, prend le commandement du secteur de Douaumont. Il a sous ses ordres
les survivants de tous les régiments qui ont attaqué la
veille.
Dès 9 h, les Allemands
bombardent avec force les nouvelles positions tenues par les Français
et le fort lui-même. Les pertes continuent à s'accroître
de manière inquiétante. Dès lors, la reprise du fort
de Douaumont paraît impossible.
Plusieurs attaques allemandes
sont tentées sur le dépôt et la tranchée construite
le long de la superstructure du fort. Elles ne donnent aucun résultat
mais les unités françaises qui défendent sont à
bout de force.
Témoignage du sergent
Piau, du 129e R.I. : "
A 4 h 30 du matin, une dizain d'Allemands s'avancent par le couloir de
la tourelle et nous attaquent à la grenade, mais nous en avons
aussi et ils sont facilement repoussés.
A 5 h 30, nous les voyons, en grand nombre cette fois, avancer sur toute
la ligne, par infiltration, à travers les trous d'obus
presque
tous nos coups portent et je suis certain que beaucoup d'Allemands ont
été tués ; ils sont tellement nombreux que, jusqu'à
8 h 30, ils arrivent par trois fois jusqu'à 25 mètres de
notre ligne, mais là, des volées de grenade leur font rebrousser
chemin.
Vers 7 heures, nous avons reçu quelques obus asphyxiants que j'ai
cru envoyés par notre artillerie, mais je ne pourrais l'affirmer.
Il à fallut mettre les masque à gaz à trois reprises.
A
8 h 45, les Allemands reviennent, ils sont au moins 600 hommes ; j'envoie
un coureur au commandant Mangin lui demandant et du renfort et un tir
de barrage sur le nord du fort, sans quoi je ne pourrai plus tenir.
Quelques minutes plus tard, le tir de barrage commence avec une précision
merveilleuse ; alors que les Allemands étaient à 40 ou 50
mètres de nous, les obus leur tombent en plein dessus et le résultat
ne se fait pas attendre, les Allemands reculent.
Vers 9 h 30, une compagnie s'avance pour me renforcer, mais elle a été
signalée à l'artillerie allemande, car, au moment où
elle aborde le fort, les Allemands déclenchent un effroyable tir
de 105 percutants sur les abords et la partie du fort que nous tenons
et cette compagnies, la 6e du 34e, est presque anéantie. Ce tir
dure une heure, j'ai aussi plusieurs tués et blessés, et
je suis blessé de nouveau moi-même à la figure et
à la main gauche, peu grièvement, mais je perds beaucoup
de sang. Je suis à bout de forces. "
Toute l'après-midi,
les éléments des 129e, 36e et 34e tentent de se maintenir
dans le chaos, écrasé sous le feu des fantassins et de l'artillerie
allemande, l'épuisement et la soif venant accroître leur
calvaire.
Au soir, du côté
français, les pertes de la journée ont été
terribles. Partout, devant et derrière, les sifflets des blessés
retentissent mais malheureusement, personne ne peut leur venir en aide.
Témoignage de Alfred SALABELLE, soldat au 74e R.I. : "
Le 22 mai, engagé volontaire à 17 ans, je pars avec le 74e
à l'attaque du fort de Douaumont. Bientôt, je suis blessé
par un éclat d'obus qui me fracasse la hanche gauche ; je suis
mis à l'abri dans un trou d'obus et reste là jusqu'au soir.
La soif commence.
Au matin du 23 mai, je suis relevé et porté au ravin de
la Caillette. Là, on me remet dans un trou en me disant qu'il y
a un poste de secours tout près et que d'autres brancardiers viendront
me chercher. Effectivement, dans la matinée du 23, un major vient
constater ma blessure et repart en disant qu'il reviendra dans quelques
instants faire le pansement. Jamais je ne le reverrai.
Je demeure ainsi pendant trois jours sans manger ni boire. Le troisième
jour, on met à mes côtés un deuxième soldat
blessé aux jambes de plusieurs balles de mitrailleuses, et un troisième
qui meurt aussitôt. Mais aucun secours ne vient. Le quatrième
jour, le 26 mai, le bombardement est terrible. L'aumônier Etcheber
qui passe par-là, se jette dans le trou pour se garer des éclats.
Il se trouve qu'il est du même pays que le blessé aux jambes
et ils parlent en patois des Pyrénées. Le pauvre diable
se confesse et reçoit l'absolution. Se tournant ensuite vers moi,
l'aumônier me demande si je veux son secours. Je ne peux accepter,
n'étant pas baptisé. L'aumônier me baptise puis s'en
va en me laissant sa gourde.
Ce n'est que le sixième jour, au matin, que deux brancardiers passant
par-là, me relèvent et m'évacuent sur Landrecourt.
Donc pendant ces six jours, je suis resté sans pansement sans nourriture,
avec à peine de quoi boire. Pour calmer ma fièvre, je mettais
des sacs vides sur la terre et ensuite m'en couvrais la figure afin de
me rafraîchir. "
24 mai
Dès 7 h, l'artillerie ennemie s'acharne
avec force sur tout le plateau de Douaumont.
Les éléments restant des 2e et 3e bataillons du 34e R.I.,
qui ont subi des pertes considérables ces 2 derniers jours, sont
arrivés à la limite de leur force. Ils tentent de se replier
vers les lignes françaises pour rejoindre les éléments
des 18 et 49e R.I. qui sont arrivé dans la nuit.
Témoignage du capitaine Monneret, du 34e R.I. : "
Au petit jour, en ce matin du 24 mai, la situation nous apparaît
avec une netteté effrayante ; nous sommes entourés.
Nous faisons feu partout ; et alors, commence un de ces duels tragiques,
trop souvent ignorés dans cette guerre, duel où l'un des
partis, condamné d'avance, n'a plus que la suprême ressource
de bien mourir !
Exposés à tous les coups, mes hommes tombent les uns après
les autres. Ils meurent silencieusement. Je reçois une balle dans
le bras droit.
Les Allemands, trouvant encore que cela ne va pas assez vite, ont installé
des minenwerfer à 400 mètres de là, et à chaque
instant, d'énormes torpilles ouvrent des cratères sur toutes
les faces.
Seuls me restent quelques hommes perdus dans les trous d'obus et qui n'ont
plus de munitions. Il doit être midi. Les Allemands, pressentant
que nous sommes à bout, s'élancent de tous côtés.
Une mêlée atroce se produit. Rassemblant mes dernières
forces, suivi d'un petit groupe, je tente de percer vers les lignes françaises.
Nous roulons dans le fossé. Mon bras me refuse tout secours
j'ai perdu mes armes. Des mitrailleurs brandebourgeois se précipitent
et nous font prisonniers.
Nous pleurons de rage ! nous avions résisté plus de trente
heures. "
Le dépôt est
toujours soumis aux assauts allemands. A 12 h, l'ennemis sort du fort
et se lancent à l'attaque. A 13 h 30, le 3e bataillon du 74e R.I.
est complètement encerclé, mais tient toujours. A la fin
de la journée, sans minutions, sans vivre ni eau, harassés
par 2 jours de combats incessants, sans espoir de secours, les hommes
du 3e bataillon se rendent.
Leur honneur est sauf,
ils ont tenu jusqu'à la limite des forces humaines. En 2 jours,
ils ont perdu 72.2% de leur effectif.
Témoignage : "
Parvenu au dépôt déjà cerné de toutes
parts, j'y trouvai le spectacle suivant : le commandant se rendant parfaitement
compte de la situation, assisté de son adjudant, était en
train de brûler ses ordres et ses situations pour que ses papiers
ne tombassent pas entre les mains des Allemands. Dans le font du P.C.
ainsi qu'au poste de secours, à côté, les blessés
entassés les uns sur les autres hurlaient de douleur et dans leurs
souffrances et leur délire, criaient à tue-tête :
" Mon commandant, ayez pitié de nos femmes et nos enfant.
Mon commandant, rendez-vous ! "
Le commandant Lefebvre-Dibon qui s'était porté du côté
des Allemands, son revolver levé, eut un geste de profond accablement.
Il jeta son revolver et fit signe aux Allemands qu'il se rendait. "
Sur le front du 1e bataillon
du 49e R.I., à la Caillette, le bombardement allemand est très
violent depuis 3 h 45. A 7 h, les Français tentent une attaque
qui leur permet de progresser de 200 m. Mais les pertes sont telles que
bientôt, l'élan se brise et les hommes se terrent sur place
dans les trous d'obus.
La contre-attaque allemande ne se fait pas attendre mais les mitrailleuses
françaises rapidement mises en place la font échouer.
A 13 h, les Allemands s'élancent une nouvelle fois mais cette tentative
connaît le même sort que la précédente.
Le 2e bataillon du 49e
R.I. qui occupe les tranchées de Douaumont et Boneff et les carrières
est sévèrement attaqué. Il résiste jusqu'au
bout de ses capacités et succombe.
A 14 h, l'ennemi débouche
en grand nombre du fort de Douaumont mais il est arrêté net
par les mitrailleuses françaises.
Sur le front des 107e et
138e R.I., du bois franco-boche au bois d'Haudraumont, le pilonnage allemand
est également très dense.
Plus tard, par une série d'actions offensives, les Allemands parviennent
à s'infiltrer dans le bois de Nawé. Le 350e qui tient la
ligne allant de la tranchée des Caurettes au ravin de la Mort doit
reculer. Il parvient néanmoins à contenir la progression
de l'ennemi par une contre-attaque des 21e et 22e compagnies de son 5e
bataillon.
A sa droite, le 355e R.I. en ligne au ravin de la Mort et sur le versant
sud-nord du bois de Nawé (cote 321) tient fermement ses positions.
Vers 15 h 30, le général
Mangin passe le commandement du secteur de Douaumont au général
Lestoquoi du 36e R.I.
Témoignage du commandant P
: "
A 11 h 30, le général Mangin rend compte au général
Nivelle qu'il a absolument besoin de 2 bataillons supplémentaires
pour tenter une nouvelle attaque.
A 15 heures, vive altercation au téléphone entre le général
Lebrun et le général Mangin. Le premier ordonne d'attaquer
à nouveau, et le second répond : "Avec quoi ?"
Le général Lebrun insiste, devint nerveux : "Il n'est
pas admissible de laisser replier nos troupes, il faut garder le fort.
Attaquez !" Le général Mangin : "Moi je ne fais
pas d'attaque numéro 2, je n'attaque pas sans attaquer, tout en
attaquant. "C'en était trop ! Le général Lebrun
exaspéré lui crie : "Ah ! vous ne voulez pas attaquer,
passez le commandement au général Lestoquoi." Celui-ci
était déjà arrivé au P.C., la relève
normale du général Mangin étant prévue pour
la nuit suivante. Voilà ce qui explique ce passage inhabituel de
commandement à 15 h 30. "
Dans la nuit, la 6e D.I.
monte en ligne et se place à droite de la 36e au bois de la Caillette.
Le commandant Raynal du 96e R.I. prend commandement du fort de Vaux.
Bilan de l'offensive
française :
L'attaque du fort de Douaumont a donc totalement échoué.
Les raisons sont multiples :
- Les Allemands étaient parfaitement au courant du projet français.
Dès le 13 mai, jour où le général Nivelle
a rendu public le projet d'attaque, les opérations offensive dans
le secteur de Douaumont ont stoppées et la défense du fort
a été renforcée.
- La préparation
d'artillerie française a été trop insuffisante.
Bien que le pilonnage des lignes allemandes ait débuté le
16 mai, ce n'est que le 20 mai, que le bombardement français a
atteint une cadence soutenue. Soit seulement 2 jours avant la date prévue
pour l'assaut au lieu des 6 prévus initialement.
De plus, il fut loin d'atteindre la force qu'il devait avoir en pareille
circonstance ; il ne couvrit qu'une petite partie du secteur qu'il aurait
fallu toucher avant une telle attaque ; il laissa intactes des organisations
ennemies qu'il aurait été indispensable de détruire.
Bien que le fort et ses abords soit pilonnés avec force, l'ensemble
de la structure resta en partie intacte.
Témoignage du commandant P
: "
Mangin savait qu'on ne pourrait s'emparer du fort de Douaumont tant que
le fort demeurerait intact et il voulait que le fort fût anéanti.
Il n'en a rien été. Il semble bien d'ailleurs qu'il avait
été trompé sur les effets de notre artillerie.
Le 21 mai, le colonel Estienne qui se trouvait à Bévaux
avait dit à l'un des officiers du général Mangin,
le lieutenant Brunet : "Allez dire à votre général
que le fort de Douaumont n'est plus qu'une écumoire ! "
Pétain remarque dans sa "Bataille de Verdun" que nos
tirs de destruction de cinq jours n'avaient pas réussi à
dominer nettement l'adversaire, que le temps manquait pour aménager
suffisamment les 12 kilomètres de tranchées et de boyaux
et qu'il fallait recommencer chaque nuit ce travail de Pénélope
car les bombardements allemands le démolissaient régulièrement
pendant le jour. De plus, les troupes d'assaut subissaient, à partir
du 20, des pertes sensibles du fait que nous ne possédions pas
la supériorité du feu.
Mais voici qui est aussi grave :
Dans ses "Souvenirs de guerre sur Verdun", Le Kronprinz (le
prince héritier) insiste sur la préoccupation du commandement
allemand de créer, avant toute attaque, une position de départ
solide et des communications vers l'arrière afin que les troupes
puissent être lancées à l'attaque en pleine possession
de leurs moyens et sans avoir été dissociées avant
l'assaut.
Cette préoccupation a-t-elle été la même de
notre côté ?
Hélas !
Un chef de bataillon, qui, peu de temps avant l'attaque, reprenait dans
un des secteurs de Douaumont des emplacements déjà tenus
par lui un mois auparavant, s'étonnait que rien n'eût été
fait pour améliorer les communications entre le fort de Souville
et le bois de la Caillette, que le secteur lui-même de la Caillette
fût demeuré dans le même état au cours de ces
trente jours : "Le chef de bataillon que je remplaçais me
montra son "topo" et les nouvelles limites du secteur. Il n'avait
pu y travailler, ayant sans cesse, suivant les ordres reçus, fait
faire des reconnaissances et lancer des grenades pour tâcher d'avancer
de quelques mètres. Il regrettait, comme moi, qu'on ne lui eût
pas laissé plus de temps pour améliorer la position.
Et pourquoi ? Pour gratter un peu de terrain à l'ennemi et avoir
un secteur qualifié d' "actif"
"
L'aberration a été pareille, non seulement sur toute l'étendue
du front de Verdun, mais sur tous les fronts pendant toute la durée
de la guerre.
Trois ans après la fin de la guerre, au cours d'un pèlerinage
en forêt d'Apremont, je fus stupéfait de ne pouvoir retrouver
des emplacements où je m'étais battu pendant plus d'un an,
alors qu'à vingt mètres plus loin, dans les lignes allemandes,
tranchées, sape, boyaux, postes de secours, tout était demeuré
intact. Chez nous, la terre nue où l'on se cachait comme l'on pouvait
; chez les Allemands, du ciment à profusion. "
- Les effectifs
mobilisés pour menée l'attaque ont été trop
insuffisante.
Dans son projet initiale, le général Mangin avait prévue
4 Divisions. Le G.Q.G lui avait répondu qu'il devrait faire avec
2 car il n'était pas envisageable de mobilisé 4 D.I. pour
un " objectif local " : "
Et l'offensive de la Somme alors ! ". Tout le monde à
Paris s'accordait à dire que reprendre Douaumont était très
important pour le moral de la nation, mais aussitôt que les effectifs
nécessaires était réclamé, ce que fit Mangin
à plusieurs reprises, le fort de Douaumont redevenait un "
objectif local ".
Mangin avait donc revue sa copie à la baisse en demandant 3 Divisions
Témoignage du commandant P
: "
Lorsque, pour la première fois, des études ont commencé
pour mettre sur pied la reprise du fort de Douaumont, les projets ont
envisagé la nécessité de disposer en ligne 4 divisions,
mais le G.Q.G. y mit bon ordre : "Et pour la Somme, qu'est-ce qu'il
resterait si l'on employait encore tant de monde pour cet objectif local
?" Les études furent reprises avec 2 divisions accolées,
une 3e pour les relever après le succès.
"Impossible", dit encore le G.Q.G. Il fallut se rabattre sur
une division en 1er ligne, et une 2e en arrière. "La peau
de chagrin !", se lamentait le général Mangin désigné
pour mener l'attaque avec sa division. Il aurait fallu déjà
une division de travailleurs pour creuser les boyaux nécessaires
et les parallèles de départ ! "
Finalement, impuissant,
le général Pétain et le général Nivelle
avait approuvé le plan d'attaque préparé par le général
Mangin.
Témoigne du général Pétain : "
les conditions dans lesquelles allait se dérouler l'action
étaient en somme peu favorables, car nous restions bridés
au point de vue de l'emploi des forces et nous ne pouvions pas, faute
de disponibilités, étendre le front de nos assauts. "
- Enfin, pas assez de préparation
du terrain.
Témoigne du général Pétain : "
(à
propos des boyaux et des parallèles de départ)
...Le temps manquait pour que l'on pût les approfondir suffisamment
et il fallait recommencer chaque nuit ce travail de Pénelope, car
les bombardements allemands le démolissait régulièrement
pendant le jour...
Je me voyais obligé d'approuver le plan du général
Mangin sans lui donner l'extension souhaitée
"
16 septembre au 15 octobre
- Préparatifs de la grande offensive française rive droite
Les généraux affectés au secteur de Verdun pensent
à présent qu'il est temps de passer à l'offensive.
Cependant, ils n'ont pas oublié les erreurs qu'ils avaient commis
en mai, lors de la tentative de reprise du fort de Douaumont.
Durant cette action, la préparation d'artillerie française
n'avait pas du tout été suffisante, laissant intactes des
organisations ennemies qu'il aurait été indispensable de
détruire ; Au moment de l'attaque, l'artillerie allemande continuait
inexorablement à être 2 fois plus puissante que la notre
; Les effectifs mobilisés pour mener l'attaque étaient trop
insuffisants ; La préparation du terrain, parallèles de
départ, boyaux de communication vers l'arrière, liaisons
téléphoniques... avait été négligés.
Afin de corriger ces erreurs,
le générale Pétain, organisateur incomparable, emploie
toute son énergie pour obtenir des batteries et des munitions.
Il obtient 2 obusiers de 400
mm qu'il compte utiliser, l'un sur le fort de Douaumont, l'autre sur le
fort de Vaux.
Mortier de 400 mm monté
sur rails
Témoignage du général
Pétain : "
A Verdun, notre heure sonnait. Au début d'octobre, nous avions
convenu, le général Nivelle et moi, de procéder à
la reprise des forts, pour rétablir la place dans son intégrité.
Le général Mangin, nommé au commandement des secteurs
de la rive droite, dirigeait l'opération et sous l'impulsion d'un
tel chef, dont la vigueur était proverbiale dans l'armée,
nous escomptions un succès complet.
Le Grand Quartier Général avait envoyé les deux mortiers
de 400 millimètres demandés qui, joints aux quelques pièces
de 370 millimètres que nous possédions déjà,
permettaient d'exécuter sur les ouvrages une puissante action de
démolition
"
Avec le concours du général
Mangin, qui a aménager les gares de Baleycourt et de Landremont
où s'effectue le déchargement des trains, il parvient à
stocker au rythme de 4 à 5 trains par jour, plus de 500 000 tonnes
de matériels et de projectiles aux alentours proches de Verdun.
Il stimule et renforce l'aviation
qui, petit à petit, commence à prendre le dessus sur l'aviation
allemande.
Aidées par plusieurs
unités d'aérostiers, les aviateurs quadrillent méthodiquement,
durant plusieurs semaines, chaque mètre carré du camp allemand,
sur un front de 7 km de large et 3 km de profondeur. Chaque batterie,
abris, tranchée, réseau de fil de fer, nid de mitrailleuses,
point d'observation, voie d'accès, est minutieusement cartographié.
Les informations sont centralisées et étudiées afin
que le jour de l'attaque l'artillerie soit parfaitement réparti
suivant les secteurs et les endroits stratégiques, et que les coordonnées
des objectifs soient parfaitement connues. C'est une entreprise titanesque
menée avec brio, qui démontre pour une fois le savoir faire
français.
Ballon "saucisse" en
cours de repérage
De son côté,
le général Mangin a la mission d'aménager le terrain.
Il fait approfondir les lignes et les fait transformer en parallèles
de départ ; restaurer d'anciens blockhaus et creuser de nouveaux
abris pour les postes de commandement ; établir des liaisons téléphoniques
par câbles enterrés entre ces abris et les premières
lignes.
Afin de faciliter l'acheminement des troupes d'assaut, il fait reconstruire
la piste reliant le ravin du Pied-du-Gravier à la région
de Thiaumont ; fait remettre en état la route du Faubourg Pavé
à la chapelle Sainte-Fine, ainsi que les chemins du fort de Souville
et du bois des Essarts.
Partout, la pioche s'enfonce dans les cadavres,
les travailleurs se mettent des gousses d'ail dans les narines pour échapper
à l'odeur épouvantable. De plus la pluie tombe en permanence,
ce qui rend les travaux très pénibles.
Témoignage
du sous-lieutenant Albert TEXIER : "
Quelquefois, un travailleurs, bouleversé, écoeuré,
se relève à demi ; sa pelle ou sa pioche lui tombre des
mains ; le sol est formé de cadavres.
- Mon lieutenant, on creuse dans la viande !....
- Ne t'occupe pas, creuse ! "
Témoignage de Fernand
DUCON, sergent à la 19/2 compagnie du Génie : "
Les sapeurs du génie peuvent être comptés parmi les
combattants les plus méritants et parmi les plus méconnus.
On a trop tendance à ne voir dans ce corps d'élite, ou que
les spécialistes souvent héroïques de l'effroyable
guerre de mines, ou que les sapeurs plus favorisés de compagnies
de chemin de fer, de télégraphistes ou de pontonniers.
En réalité, les compagnies divisionnaires groupèrent
la majorité des hommes du génie, à la fois sapeurs
et fantassins. Dans les divisions d'attaque notamment, ils vécurent
en contact intime avec leurs camarades de l'infanterie, dirigeant leurs
travaux de préparation, les accompagnant à l'assaut, le
fusil ou le mousqueton à la main, la pioche passée dans
le ceinturon lorsque l'heure H avait sonné, s'efforçant
ensuite d'organiser le mieux possible l'effroyable chaos du terrain conquis.
"
Pour finir, le général
Nivelle a la charge des troupes qui vont participer à l'offensive,
soit 8 divisions.
3 d'entres elles vont attaquer en première ligne, sur un front
de 7 km.
A gauche, la 38e D.I. (général
Guyot de Salins) (8e Tirailleur, 4e Zouave, 4e Mixte Z.T. et R.I.C.M.),
renforcée par le 11e R.I., partira depuis la carrière d'Haudromont
et aura pour objectif d'atteindre la contre-pente nord du ravin de la
Couleuvre, de s'organiser dans le village de Douaumont et de reconquérir
le fort de Douaumont. Ce dernier objectif, le plus glorieux, est confié
au R.I.C.M. (Régiment d'Infanterie Colonial du Maroc), commandé
par le lieutenant-colonel Regnier ;
Au centre, la 133e D.I. (général
Passaga) (32e, 102e, 116e et 107e B.C.P., 401e R.T., 321e R.I.) aura pour
mission de s'emparer à la hauteur de Fleury, du ravin de Brazil,
des pentes de la Caillettes et du ravin de la Fausse-Cote ;
A
droite enfin, la 74e D.I. (général de Lardemelle) (50e et
71e B.C.P., 222e, 229e, 230e, 299e et 333e R.I.), renforcée par
le 30e R.I., partira de la Haie-Renard au fond de Beauprè et aura
pour objectifs de reprendre le Chênois, la Vaux-Régnier,
le bois Fumin, le Fond de la Horgne puis le fort de Vaux.
De part et d'autre, les régiments
d'aile des divisions voisines auront la tâche d'appuyer l'attaque
et d'éviter un contournement des troupes.
3 autres divisions vont intervenir en deuxième
ligne, la 7e D.I. (102e, 103e, 104e et 315e R.I.), la 9e D.I. (66e B.C.P,
4e, 82e, 113e et 313e R.I.) et la 36e D.I. (18e, 34e, 49e R.I. et 218e
R.I.).
Les 2 dernières resterons en soutient,
la 22e D.I.(19e, 62e, 118e et 116e R.I.) et la 37e D.I. (2e et 3e zouaves,
2e et 3e tirailleurs).
Depuis 1 mois, toutes les compagnies formant
ces bataillons qui vont attaquer, sont venues cantonner entre Bar-le-Duc
et Saint-Dizier.
Chaque jour, les troupes s'entrainent sur
des terrains aménagés pour ressembler aux différents
champs de bataille de Verdun. Les soldats qui vont assaillir le fort de
Douaumont par exemple, étudient par coeur à l'aide de plans,
la topologie du fort. De tel sorte que le jour J, ils puissent s'y déplacer
sans aucune hésitation.
Cantonnement à l'arrière
du front
20 et 21 octobre - Début de la
préparation d'artillerie française sur la rive droite
A l'aube, la préparation d'artillerie française commence,
elle va s'intensifier jusqu'au 24 octobre.
Elle est constituée de 654 pièces
: 20 pièces de calibre 270 à 400 ; 300 pièces du
120 au 220 ; 334 pièces du 65 au 105.
Le front allemand est constitué alors de 7 divisions, soit 22 bataillons
mais très échelonnées en profondeur. Les hommes de
premières lignes sont totalement abrutis par la puissance du tir
français. Chaque position et élément stratégique,
préalablement repéré,
n'est épargné. C'est un déluge de fer et d'acier.
Les plus gros calibres sont réservés pour les forts de Douaumont
et de Vaux qui sont les 2 points stratégiques à reconquérir.
L'artillerie allemande ne reste pas pour
autant inactive, et toutes les batteries françaises connues sont
contrebattues avec violence.
23 octobre - Préparation
d'artillerie française sur la rive droite
Vers 8 h, la préparation d'artillerie française s'intensifie.
A 12 h 30, la superstructure du fort de
Douaumont est transpercée par un obus de 400 mm.
Pour tous les hommes présents dans le fort, le bruit incessant
et assourdissant du bombardement extérieur a été
soudain dominé par un déflagration gigantesque et un tremblement
plus important du sol. Tous les curs ont fait un bon dans leur poitrine
: "On
a été touché ?!".
L'obus a exploser au milieu de l'infirmerie, tuant sur le coup la 50e
de blessés et personnel sanitaire qui occupaient le lieu. Rapidement,
un important incendie se déclare avec beaucoup de fumée,
qui interdit tout accès.
10 minutes plus tard, un second obus
de 400 perce la voute de la casemate 8, ensevelissant tous les occupants.
Chaque quart d'heure en moyenne, un nouvel obus s'abat sur le fort dans
une explosion énorme qui secoue tout l'édifice. Les dégâts
causés sur la voute sont importants et le bombardement extérieur
semble beaucoup plus prêt et dangereux avec les trous béants
ainsi formés. La panique commence à gagner les hommes.
Le 5e obus, perce la voute du couloir principal, au niveau de la casemate
10, en ensevelissant une escouade.
Casemate effondrée par
un obus de 400 mm
(photo prise le 25 octobre, lorsque
le fort a été repris par les Français)
Dés lors, ce couloir devient impraticable.
Le commandant du fort, le chef de bataillon Rosendahl, du 90e R.I. donne
l'ordre à toute la garnison de gagner l'étage inférieur
du fort.
Lorsque le 6e obus explose, il est suivit d'une série de "coups
de pétards" et de grosses explosions. Passant par le trou
de la voute du couloir principal, l'obus est venu explosé tout
en bas, dans le dépôt de grenades et de munissions, tuant
une 50e de sapeurs du génie.
Un incendie très important propage des fumées opaques qui
avancent rapidement dans les couloirs. Chaque hommes se précipite
et met son masque à gaz, ceux qui n'y parviennent pas assez tôt
meurent dans des convulsions atroces. Certains soldats deviennent fous
et veulent sortir de cette souricière, mais les 2 issues sont violemment
bombardées par des obus toxiques.
A 14 h, la lumière s'éteint plongeant la fort dans les ténèbres.
A cette instant, continuer à tenir l'enceinte devint difficile.
A 17 h, l'évacuation du fort par tous les hommes "non indispensables"
est ordonné. Seul un petit groupe du génie, d'une 100e d'hommes
commandée par le capitaine Soltan du 84e R.I. reste avec la mission
d'éteindre l'incendie du dépôt à munissions.
Chaque homme devant évacuer, la peur au ventre mais avec une discipline
impressionnante, s'élance à l'extérieur à
travers les obus. Les 400 ont ralenti mais tous les autres calibres jusqu'au
220 se déchainent encore sur le fort. A 18 h, l'ordre d'évacuation
est exécuté.
Débute alors pour les hommes de Soltan une lutte à mort
contre la fournaise. Il n'y a plus d'eau pour éteindre les flammes
et beaucoup d'hommes, à bout de force, sont déjà
intoxiqués par les fumés et vomissent sans cesse. Le capitaine
Soltan envoie des coureurs pour demander un retrait en urgence, mais aucun
ne revient.
A 23 h, dans un dernier élan, Soltan ordonne de mettre une mitrailleuse
en position à la sortir nord-ouest. Mais plusieurs équipes
de mitrailleurs succombent successivement à cette place en raison
du bombardement par obus toxique qu'infligent des Français.
Entre 4 et 5 h, les hommes de Soltan évacuent enfin le fort, titubants,
vomissant, portant les malades sur des ciliaires, pas un ne fût
abandonné.
Durant la journée, les généraux
Pétain, Nivelle et Mangin se réunissent. Aux vues des résultats
positifs qu'a donné la simulation d'attaque de la veille, des prévisions
météo des jours à venir et des derniers rapports
concernant les préparatifs des régiments d'infanterie qui
attendent derrière le front, la décision est enfin prise.
Le jour J sera le lendemain, le 24 octobre, l'heure H, 11 h 40.
Dans la nuit, les hommes des régiments
des 38e, 74e et 133e D.I stationnés entre Bar-le-Duc et Saint-Dizier,
font leur paquetage et gagnent Verdun pour prendre position dans les parallèles
de départ.
Chacun a reçu un équipement spécial. En plus du chargement
habituel (outils individuels, toile de tente, couverture, habits de rechange,
ustensiles de cuisine et d'entretient, etc.) (voir la partie "Uniforme"
"L'équipement") et des 3 cartouchières bourrées
à craquer, chaque homme doit emporter en plus 2 musettes contenant
plusieurs rations fortes et rations de réserves (voir la partie
"Uniforme" "L'équipement"), une musette
à grenades, un second masque à gaz, un second bidon contenant
du vin ou de l'eau et 2 sacs à terre. Un fardeau démesuré
d'au mois 40 kg, pour des hommes qui doivent rester frais au moment de
l'assaut.
24 octobre - Grande offensive française
rive droite. Reconquête du fort de Douaumont
Ordre du jour du général
Passaga, commandant la 133e D.I. : "
Officiers, sous-officiers, soldats, il y a près de huit mois que
l'ennemi exécré, le Boche, voulut étonner le monde
par un coup de tonnerre en s'emparant de Verdun. L'héroïsme
des " poilus " de France lui a barré la route et a anéanti
ses meilleures troupes.
Grâce aux défenseurs de Verdun, la Russie a pu infliger à
l'ennemi une sanglante défaite et lui capturer près de quarante
mille prisonniers.
Grâce aux défenseurs de Verdun, l'Angleterre et le France
le battent chaque jour sur la somme, où elles lui ont déjà
fait près de soixante mille prisonniers.
Grâce aux défenseurs de Verdun, l'armée de Salonique
celle des Balkans battent les Bulgares et les Turcs.
Le Boche tremble maintenant devant nos canons et nos baïonnettes,
il sent que l'heure du châtiment est proche pour lui.
A nos divisions revient l'honneur insigne de lui porter un coup retentissant
qui montrera au monde la déchéance de l'armée allemande.
Nous allons lui arracher un lambeau de cette terre où tant de nos
héros dorment dans leur linceul de gloire.
A notre gauche combattra une division, déjà illustre, composée
de zouaves, de marsouins, de Marocains et d'Algériens ; on s'y
dispute l'honneur de reprendre le fort de Douaumont. Que ces fiers camarades
sachent bien qu'ils peuvent compter sur nous pour les soutenir, leur ouvrir
la porte et partager leur gloire !
Officiers, sous-officiers, soldats, vous saurez accrocher la croix de
guerre à vos drapeaux et à vos fanions ; du premier coup
vous hausserez votre renommée au rang de celle de nos régiments
et de nos bataillons les plus fameux. La Patrie vous bénira. "
A 7 h, une petite section allemande formée
d'une 20e d'hommes, sous les ordres du capitaine Prollius, retourne à
l'intérieur du fort de Douaumont pour y faire une inspection. Bien
que le dépôt du génie flambe toujours et que l'infirmerie
soit toujours inaccessible par l'odeur qui y règne, l'air est plus
ou moins respirable dans les autres parties du fort. Bien que 6 casemates
soient totalement détruites et que le couloir supérieur
soit percé en 3 endroits, il existe toujours une liaison entre
la partie ouest et la partie est par le couloir inférieur. Les
issues des coffres simples ouest et est sont encore partiellement utilisables.
Le capitaine Prollius tire la conclusion que le fort peu encore être
défendu si des forces suffisantes équipés de mitrailleuses
regagnent la forteresse.
Il envoie aussitôt un message par coureur stipulant l'envoie de
renfort.
Dans la matinée, un certain nombre
de soldat allemands sortent de leur tranchée et viennent se porter
prisonnier dans les lignes françaises. Ils sont à bout de
force en raison du bombardement qu'ils subissent depuis 4 jours.
Témoignage du général DOREAU, de la 213e Brigade
: "
Ceci ce passait le 24 octobre 1916. Mon P.C. était installé
au bas du glacis de Souville, à 300 ou 400 mètres, pas plus,
de la ligne de trous d'obus qui servait au 401e R.I. de tranchée
de première ligne.
Il ne comportait, étant donné la nature du terrain, que
quelques mauvaises sapes, à sol horizontal, creusées les
unes à côté des autres, larges chacune de moins de
deux mètres. Outre mes deux officiers d'état-major, j'avais
avec moi, ce jour-là, un officier d'artillerie et un officier (de
liaison) de chacun de mes trois corps: 401e R.I., 32e et 107e B.C.P.
Donc, pressés les uns contre les autres, casqués, vêtus
de capotes de troupe maculées de boue, et éclairés
par deux bougies fichées dans des pommes de terre coupées,
sept êtres humains, pas du tout décoratifs, dans un cadre
qui ne l'était pas non plus.
Le
premier prisonnier qu'on m'amena fut un oberleutnant. Priè de me
remettre ses papiers, il s'exécute. Interrogé sur sa qualité,
il déclare être officier de réserve, instituteur dans
la vie civile. Puis, un peu rassurè et se ressaisissant au bout
de quelques minutes, il essaie de regimber, et ce dialogue s'angage :
- Mais enfin, qui êtes-vous pour me questionner ?
- Je suis un commandant de brigade, et ces messieurs sont les officiers
de mon état-major.
- Un commandant de brigade ?... Ici ?...
- Oui, ici ; et dés demain matin, il ira plus loin vers le nord.
Un
ahurissement inexprimable se paignit sur sa physionomie. Evidemment, dans
l'armée allemande, les officiers généraux ou ceux
qui en tenaient le rôle, n'avaient pas coutume de se loger dans
des sapes inconfortables, situées à 300 mètres des
tranchées de première ligne ..."
11
h 30, 10 minutes avant l'heure H.
Depuis l'aube, un brouillard assez dense s'est rependu sur tout le front.
Bien que chacun espérait qu'il se dissipe avant l'assaut, il est
toujours aussi épais et empêche de voir à plus de
10 mètres. Si d'un côté il empêche les mitrailleurs
allemands à bien ajuster leurs tirs, de l'autre, il sera dangereux
aux soldats français de s'y engager et surtout de s'y perdre.
Témoignage de Edouard
BOURGINE du 3e bis Zouaves : "
Ce matin, un épais brouillard estompait uniformément chaque
chose, impossible de voir à deux pas devant soi.
Brusquement, des patrouilleurs boches trouèrent le brouillard devant
nous. Ils allaient paisiblement, les mains dans les poches, l'arme à
la bretelle. Stupéfaits, nous eûmes un instant d'indécision.
C'est alors que le gradé boche proféra d'un ton lamentable
" triste guerre messieurs, triste guerre
" puis le brouillard
l'enveloppa. "
11 h 40, l'heure H.
Une clameur se soulève soudain dans le camps français, d'un
même élan, des
milliers d'hommes sortent des tranchées est s'élancent vers
l'avant sur un terrain lourd et glissant.
Chaque unité se dirige à
la boussole en direction du nord-est à la vitesse de 100 mètres
toutes les 4 minutes. Elles sont précédées d'un formidables
barrage roulant qui interdit aux Allemands de sortir de leurs abris.
Voici en détail, les unes après
les autres, toutes les actions menées :
La gauche du plan d'attaque est tenue par
la 38e D.I. (8e Tirailleur, 4e Zouave, 4e Mixte Z.T., R.I.C.M.) et renforcée
par le 11e R.I. Mission : atteindre la contre-pente nord du ravin de la
Couleuvre et la carrière d'Haudraumont, s'organiser dans le village
de Douaumont et reconquérir le fort de Douaumont :
Le 11e R.I. (lieutenant-colonel de Partouneaux),
à l'extrême gauche du dispositif, se porte à 11 h
38 (en raison d'une montre mal rêglée), à l'assaut
de la tranchée Balfourier et de la carrière d'Haudraumont.
S'il trouve la tranchée Balfouquier inoccupée,
la carrière est quant à elle fortement défendue.
Après un dur combat à la grenade, il parvient à capturer
tous les occupants de la carrière. Il repousse ensuite d'incessantes
contre-attaques jusqu'à la fin de la journée.
Le 8e Tirailleur (lieutenant-colonel Dufoulon)
et le 4e Zouaves (lieutenant-colonel Richaud) s'élancent à
l'heure H en poussant des hurlements.
Ils
atteignent rapidement les tranchées allemandes qu'ils ont en face
d'eux. L'ennemi qui attendait pourtant l'assaut français est totalement
surpris par la rapidité du mouvement et se rend sans combattre.
Témoignage de X : "
Un
officier supérieur sorti en hâte de son abri à l'appel
de l'Adjudant Caillard, apparaît en culotte, sans ses molletières
qu'il tient à la main et qu'il offre à l'Adjudant Caillard
en criant " Chef de Corps ! , Chef de Corps ! ". Un vaguemestre
était en train de procéder au triage des lettres, il sort
de son trou les yeux hagards, les deux bras levés, brandissant
dune main sa boite aux lettres, de l'autre une liasse d'enveloppes
et s'écrie d'une voix suppliante : " Pardon, pardon, Monsieur
! ". Il est à remarquer que la plupart criaient : " Pardon
", plus encore que " Kamarade ". Nous les encouragions
de notre mieux, leur disant dans leur langue qu'on ne leur ferait pas
de mal s'ils se rendaient. "
Les prisonniers sont conduits
en direction du ravin des Trois-Cornes où se trouve le P.C. du
régiment.
A 12
h, le bois de Nawé et la contre-pente nord du ravin de la Dame
sont reconquis.
A 14 h, la contre-pente nord du ravin de la Couleuvre
est atteinte. Les hommes s'y déploient et poursuivent en direction
du village de Douaumont.
Les ruines du village sont reprises à
14 h 45 par le 4e Zouave qui s'y fortifie.
Deux patrouilles poursuivent ensuite en direction
du fort de Douaumont pour tenter de le contourner.
A 15 h, une patrouille de la 17e compagnie du 8e Tirailleur part faire
une reconnaissance en avant des lignes. Elle descend dans le ravin de
la Goulotte, puis dans le ravin de Helley ou elle attaque plusieurs abris
ennemis et fait plusieurs prisonniers.
Le 4e Mixte Z.T. (lieutenant-colonel Vernois)
subit peu de temps avant l'heure H, un tir bien ajusté de l'artilleries
allemandes. Les blessées et les morts sont nombreux, 200 hommes
environs.
A 11 h 39, il s'élance tout de même et parvient à
atteindre la ferme de Thiaumont et à la reprendre.
A 12 h 25, ayant poursuivit sa progression, il se trouve face au bois
Morchée.
A 14 h 45, il aborde le village de Douaumont et
le réoccupe avec le 4e Zouave. Il s'établie finalement à
60 m en avant du village.
Le R.I.C.M. (Régiment d'Infanterie
Colonial de Maroc) (lieutenant-colonel Regnier) part du ravin des Vignes:
- le 4e bataillon (commandant Modat) doit s'emparer de la 1ère
ligne ennemie et s'y organiser défensivement.
- le 1er bataillon (commandant Croll) doit dépasser le 4e, encercler
le fort de Douaumont et s'organiser en avant.
- le 8e bataillon (commandant
Nicolay) doit pour finir prendre
et nettoyer le fort.
A 11 h 40, le 4e bataillon s'élance
vigoureusement mais se heurte rapidement à un tir de mitrailleuse
imprévu. Cette mitrailleuse allemande s'est infiltrée à
la faveur du brouillard dans les premières lignes françaises.
Ces dernières avaient été évacuées
pour ne pas risquer que leurs occupants subissent le tir de l'artillerie
française. Tous les hommes sautent aussitôt dans les trous
pour se mettre à l'abri. Dans cet élan, le commandant Modat
est blessé.
Un certain "flottement" se produit alors dans la troupe, composée
de Sénégalais. Il devient urgent que cette mitrailleuse
soit maitrisée si l'on ne veut pas réduire à néant
l'entrain qui avait été manifesté au départ.
Le capitaine Alexandre, qui a pris le commandement, prend aussitôt
l'initiative et s'élance en hurlant en direction de la mitrailleuse.
Electrisés, ses hommes le suivent et en quelques minutes, les servants
de la mitrailleuse sont tués à coup de grenade.
La troupe peut enfin poursuivre
sa progression. Elle occupe bientôt les tranchées allemandes
de premières lignes et s'y fortifie.
Comme cela est convenu,
le 1er bataillon dépasse alors le 4e bataillon à travers
le brouillard. Il s'avance vers le fort afin de le contourner par la gauche
et la droite et s'établir au-delà. Cependant, à quelques
300 m des fossés, le brouillard se déchire brusquement et
le bataillon s'aperçoit qu'il est seul dans la plaine. Il doit
théoriquement, avant de continuer plus avant, attendre le 8e bataillon
qui à la mission d'investir le fort et qui est le seul outillé
pour !
Quelques temps plus tard,
ne voyant toujours pas le 8e bataillon et trépiniant d'impatience,
le capitaine Dorey, sous les ordres du commandant Croll, décide,
puisque personne ne vient l'aider, de poursuivre son élan et de
prendre le fort seul.
Témoignage du sergent
Gaston GRAS du R.I.C.M : "
Il
commande l'attaque immédiate, sans perdre une secondes !
Les ordres s'envolent, frémissants, martiaux !
- Compagnie Brunet ! Courez à la face sud-ouest, et attaquez !
- Compagnie Mazeau ! Attaquer la gorge du fort ! et dare-dare !
- Compagnie Fredaigne ! Rester en arrière pour recueillir la bataillon,
s'il tombe sur un bec !...
- Goubeaux ! suivez-moi avec les mitrailleuses de réserve ! Nous
allons, entre Brunet et Mazeau, prendre notre part de l'attaque !
Alors, transfigurées, au pas de course, les compagnies obéissent.
En tête de la compagnie Brunet, une patrouille de combat, commandée
par un humble mais héroïque caporal, Béranger, saute
hardiment dans le fossé du fort, se précipite sur le coffre
de contrescarpe : déjà des mitrailleurs ennemis s'assoient
précipitamment à leurs pièces, engagent des bandes
souples, vont tirer ; à coup de crosses, la patrouille Béranger
les assomme à leurs postes
Désormais, le fossé ne sera plus balayé par la Maxims,
mise à la raison
De son côté, la compagnie Mazeau se rue dans la gorge, s'en
empare.
La compagnie Fredaigne les suit, commandée par un simple adjudant,
tous les officiers ayant été tués au cours de l'attaque
Alors un torrent d'hommes se jette dans les fossés, grimpe sur
le fort, envahit les superstructures : c'est un calvaire, mais un calvaire
triomphal. "
Qu'est devenu de le 8e
bataillon ? Il s'est élancé dans la brume à la suite
des 2 autres bataillons. Boussole à la main, le commandant Nicolay
progresse droit devant mais s'étonne de ne pas rencontrer les obstacles
qu'il a sur son plan. Au bout d'un moment, alors qu'il aurait déjà
dû rencontrer le fort, il stoppe son bataillon dans l'incertitude
la plus complète.
Soudain, un soldat allemand
qui hère entre les lignes s'approche. Il est mené au commandant
et questionné hâtivement. Puis il donne la bonne direction
pour atteindre le fort... Il s'avère que Nicolay avait dirigé
son bataillon trop à l'est car l'aiguille de la boussole était
déviée par l'acier de son revolver. Le bataillon reprend
sa marche rapidement.
Il arrive enfin devant les fossés du fort et retrouve le 1er bataillon
qui vient juste d'occuper les superstructures.
La relève se déroule,
le 8e bataillon fortifie les superstructures et commence à pénètre
à l'intérieur du fort pour le nettoyer petit à petit
de ses occupants.
Le 1er bataillon, quant à lui, reprend sa marche vers le nord et
va s'établir devant le fort, sur les emplacements qui constituent
son objectif final.
Témoignage de Fernand DUCOM
de la compagnie divisionnaire 19/2 du Génie, mise à disposition
du 8e bataillon du R.I.C.M. : "
Nous passons près de l'abri Adalbert, ruiné, au sud-ouest
du fort ; puis dans un ultime élan, nous atteignons le fossé
de Douaumont. Contemplant notre proie, hésitant sur le bit à
atteindre, nous marquons un temps d'arrêt. Mais le sous-lieutenant
Huguet, qui a aperçu la tourelle de 155, notre objectif, de s'écrier
: " Allons ! en avant, génie ou coloniaux ! " Nous partons
trois en tête, la baïonnette haute, le doigt sur la détente
; il me semble que je suis invulnérable. Nous défilons devant
de nombreux créneaux aménagés sur la face du fort
; pas un coup de feu n'en sort. Quelques grenades sont lancées
dans les cheminées d'aération. Dans un suprême effort,
nous grimpons sur la tourelle de 155
Mais les Allemands, repliés dans une carrière, à
300 mètres de là, nous ont aperçus. Des obus de petit
calibre, ceux d'un canon-revolver, qui doit faire mouche à chaque
coup, commencent à tomber
Les
projectiles éclatent sans interruption, de tous côtés
; des blessés, des morts jonchent le sol. La mitrailleuse des coloniaux,
en position à quelques mètres devant nous, a un grand nombre
de ses servants hors de combat. Quelques-uns ont des blessures affreuses
; et il est singulièrement émouvant de voir avec quel empressement
les indemnes prennent leur place.
Maurice Daney, le plus cher de mes amis de guerre, tombe dans les bras,
le crâne ouvert, frappé à mort. Je ressens moi-même
un choc violent au bras, un autre au cou, ma capote est criblée
d'éclat et cependant je n'ai aucune blessure
Venant du chaos du champ de bataille et pénétrant dans le
fort par l'entrée principale
Errant dans les couloirs, je
tombe enfin sur mon capitaine, tout heureux de me savoir vivant. Son premier
lieutenant est blessé, quatre des sous-lieutenants seulement sont
indemnes, les autres sont tués, blessés ou disparu.
Chargés de trouver un logement pour les survivants de la compagnie,
je découvre plusieurs locaux près de la chambre du commandant
allemand, le hauptmann Prollius. Ce dernier est là et l'honneur
de sa capture revient à l'un de nos hommes, le maître-ouvrier
Dumont, un petit gars débrouillard de la banlieue parisienne. Pénétrant
le premier dans le fort, avec un seul colonial, il sut en imposer aux
quatre officiers et aux vingt-quatre hommes, des pionniers, qui en constituaient,
au moment de l'attaque, toute la garnison. Quelle ne fut pas la surptise
du gros des attaquants lorsque, descendant un grand moment après
dans l'ouvrage, ils trouvèrent nos deux gaillards en compagnie
d'une bande d'Allemands, avec qui ils faisaient déjà bon
ménage
L'état-major allemand est présenté au commandant
Nicolaï. Les quatre officiers, d'une correction extrême, paraissent
ahuris de notre succès. S'adressant en bon français au chef
du 8e bataillon : " Monsieur, dit le commandant allemand, je suppose
que vous serez heureux de vous installer dans ma propre chambre ; elle
est à votre disposition ". " Monsieur, lui répond
Nicolaï, en le toisant de haut, le commandant français couchera
cette nuit à la porte du fort, avec ses hommes
". J'ai
entendu cela
"
Au centre du dispositif,
le 321e R.I. (lieutenant-colonel Picard) se bat avec la 133e
D.I. A 11 h 40, il
débouche de la tranchée de Pauly et Vidal, au nord-ouest
de Fleury. Il part vers le nord-est pour atteindre à 12 h 35 la
croupe du bois de la Caillette.
A 13 h 30, la 19e et 23e compagnie et la 5e compagnie de mitrailleuses,
toutes trois commandées par le commandant Megemont, reprennent
leur marche et arrivent en vue du fossé sud-est du fort de Douaumont.
Leur mission est de s'emparer de la batterie à l'est du fort, ce
qu'elles parviennent à faire rapidement car la batterie est sans
défenseur.
Le commandant Megemont se trouve ensuite dans le même embarras que
va l'être le capitaine Dorey, du 1er bataillon du R.I.C.M. dans
30 minutes : Il se trouve seul face au fort de Douaumont qui semble à
porté de main... Il va alors réagir avec la même audace
que le fera Dorey, laissant le gros de la troupe aux abords immédiats
du fort, il traverse le fossé sud-est avec 3 hommes.
Il atteint rapidement l'observatoire et la petite tourelle est, puis,
alors que quelques hommes sont venus grossir la troupe, capture un sous-officier
allemand et 7 hommes.
Une demi heure plus tard, le commandant Megemont et ses hommes retrouvent
sur la superstructure du fort les éléments du 1er bataillon
du R.IC.M. puis du 8e bataillon.
Le 321e R.I. est donc, en cette journée historique, sous la forme
d'une poignée d'homme, le premier à avoir escaladé
les remparts du fort de Douaumont.
Témoignage du colonel PICARD,
du 31e R.I. : "
Le régiment colonial du Maroc devait, le 24 octobre, prendre le
fort : il l'a pris: ça, c'est de l'histoire. Mais il pourra impartialement
ajouter que ce sont les vieux du 321e régiment d'infanterie qui,
les premiers, ont grimpé sur le fort : ça aussi, c'est de
l'histoire. "
Le bilan de
la journée est très satisfaisant. Malgré
quelques échecs, le 24 octobre est une journée glorieuse
pour les combattants de Verdun. Le fort de Douaumont est définitivement
repris et le fort de Vaux est de nouveau très proche des 1ere lignes
françaises.
Les gains ont été de 6000 prisonniers, 164 mitrailleuses
et 15 canons.
Témoignage de Fernand DUCOM de la
compagnie divisionnaire 19/2 du Génie, mise à disposition
du 8e bataillon du R.I.C.M. : "
On
a écrit que le fort, en cette soirée du 24, était
dans un état de saleté repoussante, qu'une odeur nauséabonde
y régnait. J'avoue n'avoir pas du tout vu Douaumond sous cet aspect
peu engageant. En réalité, les Allemands avaient admirablement
organisé leur conquête. Des lampes électriques à
réflecteurs répandent partout une brillante lumière
; des lits confortables ont été placés dans tous
les locaux ; toutes sortes d'appareils (téléphones, T.S.F.,
appareils à oxigène contre les gaz, tous de marque allemande),
ont été installés ; les couloirs sont propres, l'atmosphère
nullement empuantie, contrairement à ce qu'on écrit. Le
fort possède une centrale électriqu, un "lazarett"
(hôpital) bien organisé et même un "kasino".
Visiblement, l'ennemi s'était installé de façon définitive;
notre arrivée foudroyante l'a surpris, ne lui laissant pas le temps
d'organiser une défence sérieuse. Quelques Allemands ont
essayé de résister ; leurs cadavres gisent de-ci-de-là,
complétement carbonisés par les lance-flammes de notre compagnie
Schilt
Un
incendie a été allumé par nos obus dans une casemate
effondrée ; le commandant allemand, qui ne doit être évacué
vers l'arrière en tant que prisonnier qu'à l'aube, offre
de l'éteindre avec ses hommes ; on le lui accorde et je suis chargé
de le surveiller. Muni, ainsi que ses pionniers, d'appareils Draeger à
oxygène, il s'emploie très activement à l'extinction
du feu, fort menaçant. Il faut voir avec quelle promptitude ses
hommes obéissent aux ordres qu'il leur donne.
Ainsi, pendant cette nuit du 24 au 25 octobre, le fort de Douaumont posséda
deux commandants : un Allemand, un Français.
Revolver au poing, isolé pendant plusieurs heures avec mes Boches,
j'ai pu causer longuement avec leur commandant, le Hauptmann Prolius,
nullement arrogant, quoi qu'on en ait dit, et qui parle assez correctement
le français. C'est un capitaine d'artillerie d'active, âgé
de 32 ans, au front depuis le début de la guerre et décoré
de la Croix de fer. Le véritable commandant du fort ayant été
blessé, il exerçait ses fonctions depuis trois semaines.
Il admire en connaisseur le travail de notre artillerie ; il reste pensif
quand on lui parle de Verdun ; beau joueur, il reconnaît notre succès,
mais il croit malgré tout à un coup prochain et décisif
de l'Allemagne.
En attendant, il m'annonce la prise de Bucarest, et il me donne son opinion
sur les principaux alliés : le soldat français est le meilleur
de tous (c'est aussi mon avis, mais dans sa position, il ne pouvait guère
me dire le contraire) ; l'Anglais ne vaut rien comme guerrier, il est,
de plus, cordialement détesté ; le Russe, ordinairement
brave, attaque en masses compactes et subit des terribles pertes. La guerre
sur le front oriental est beaucoup moins dure que chez nous
"
Les Allemands quittent le fort,
repris par les Français
(photo prise le 25 octobre)
22 octobre
- Préparation d'artillerie française sur la rive droite
Une attaque française est simulée par l'allongement subit
du tir d'artillerie et par des mouvements dans les tranchées françaises.
Cette ruse permet le repérage de 158 batteries ennemies nouvellement
mises en place et qui étaient restées muettes jusqu'à
présent.
Toutes ses batteries ainsi repérées
sont systématiquement pilonnées et seulement 90 seront signalées
en action le jour de l'attaque. Ces tirs ont été ajustés
avec l'aide de l'aviation française qui domine largement le ciel
de Verdun.
25 octobre - Organisation des positions
conquises la veille et poursuite de la lutte
Les succès de la
veille ont donné un grand espoir aux soldats et aux officiers.
Le général Mangin ordonne la poursuite de l'offensive avec
la reprise du fort de Vaux le jour même.
Dans la nuit, le 113e R.I. monte en ligne
dans le secteur qui s'étend du fort de Douaumont au ravin de la
Fausse-Cote. Il occupe le ravin de la Caillette, du Bazil et de Chambouillat
et notamment, la tranchée du chemin de fer.
Le 102e R.I. releve le 1er bataillon
du R.I.C.M. Dans l'attaque de Douaumont, le R.I.C.M. a perdu 829 hommes
et 23 officiers.
Au matin, les unités qui occupent
le fort de Douaumont organisent la défense.
Témoignage de Fernand DUCOM de la compagnie divisionnaire 19/2
du Génie, mise à disposition du 8e bataillon du R.I.C.M.
: "
Au
petit matin, mon capitaine me charge d'organiser la défence du
fort ; obstruction des entrées, aménagement de créneaux
de tir et d'emplacements de mitrailleuses, avec tous les sapeurs disponibles.
La compagnie a également pour mission la surveillance des issues
et la police intérieure. Cela vaut au simple sergent que je suis
une altercation violente avec un commandant du 102e R.I., venu relever
le 1er bataillon du R.I.C.M. et qui s'obtine à encombrer les couloirs
de Douaumont, au lieu d'aller occuper ses positions, en avant du fort.
Devant mon attitude énergique, il se décide enfin à
évacuer la place."
Une entrée obstruer et
une mitrailleuse allemandes retrouvée dans le fort de Douaumont
Une chambre
....................................................................................................................................................................
.L'infirmerie
Une messe dans une salle
Le fort
de nos jours :
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