Les
erreurs de l'artillerie française
Témoignage du major RIBELAY du 58e R.A.C. : "
Le capitaine Tabourot, ce héros magnifique dont on ne peut écrire
le nom qu'avec un frémissement de respect, a eu avant de mourir
une parole atroce. Sitôt l'attaque allemande déclenchée,
il avait demandé à plusieurs reprises notre tir de barrage.
Pris de colère devant le silence de notre artillerie, qui avait
permis l'encerclement du fort de Vaux et allait rendre inutiles tout ce
courage dépensé par ses hommes et toutes ces morts, il s'écria
en tombant frappé à mort lui-même : " Ecoutez
bien mon dernier ordre, vous là ! Ceux d'entre vous qui pourront
s'échapper, qu'ils aillent casser la gueule aux artilleurs ! "
Venant d'un tel homme, de tels propos ne peuvent être passés
sous silence. Ils appellent des commentaires. Quelques traits du tableau d'ensemble : "
Un officier du 53e arrive à la redoute avec une horrible blessure.
Un éclat très large lui a labouré latéralement
toute la face avant du corps. Le front est ensanglanté, la bouche
dégoutte de sang. Les bras, les mains, la poitrine, les jambes,
tout ne paraît qu'une plaie. Il est hagard, fou de colère
contre l 'artillerie. Une compagnie de 90 hommes en a perdu 40 en quelques
minutes. Six mitrailleuses ont été démolies et leurs
servants tués. Et le tir continue toujours. Il a lancé plus
de 100 fusées vertes sans résultat. Il n'y a rien à
faire qu'à se terrer contre notre propre tir. "
Enfin, les 75 se décident à allonger leur tir, mais ils
l'allongent tellement que nos obus vont frapper les objectifs anciens,
bien en arrière des nouvelles lignes allemandes. Ce sont des munitions
gaspillées.
Reprenons les divers points de ce tableau : D - Quant au silence entre 11 heures et 17 h 40, il défie tout commentaire. " Témoignage de Frédéric BAYON, soldat au 126e R.I. : "
Ce jour néfaste d'avril, ce fut notre artillerie qui se chargea
de nous "sonner" et avec du 155 encore, cela pendant plus d'une
heure : tantôt quelques mètres en arrière de notre
tranchée, tantôt en avant la terre nous retombant dessus
en pluie, les éclats froufroutant et se fichant tout brûlants
dans nos parapets, frappant même les couvertures roulées
sur mon sac que j'avais posé sur ma tête pour laisser passer
l'averse ; et, plus ça tombait près, plus j'entendais rire
aux éclats les Boches dont les tranchées n'étaient
pas à 20 mètres des nôtres. Journée du 19 mai 1916, lutte pour le ravin de la Dame. Témoignage de L. LAURENT, caporal au 7/51 Génie : "
La nuit, sous les étoiles, de nos premières lignes au font
du ravin, montent des fusées rouges : "Allongez le tir ! Allongez
le tir !"crient nos pauvres camarades. Et d'autres appels s'élèvent
de tous côtés. Fusées rouges sur le plateau d'Hardaumont
!
Fusées rouges du fort de Vaux. Fusées rouges, là-bas
au loin, derrière Fumin ! Que d'appels désespérés
sur cette terre sombre ! " Témoignage du Commandant, puis colonel ROMAN du 358e R.I. : " L'artillerie allemande a une puissance formidable ; son artillerie lourde est incomparable ; sa précision surtout est aussi parfaite que possible. Il en est tout autrement de son artillerie de campagne qui semble-t-il, n'a pas encore fait de progrès. Chez
nous, c'est l'inverse, et c'est plus triste. Pendant plus d'un an de séjour
en Lorraine, j'avais entendu la même rengaine : "C'est vrai,
il n'y a pas d'artillerie lourde ici, parce que c'est un front peu important,
mais si vous voyiez ailleurs !"Ailleurs ? Sans doute à Verdun,
par conséquent, car si le front présente un point capital,
c'est bien Verdun. Eh bien ! non, c'était encore un bluff. L'artillerie
de campagne à Verdun est formidable, fantastique, "roue à
roue", elle fait une besogne admirable, mais la lourde ?
Il
n'y en a pour ainsi dire pas et quand il y en a, c'est pis. Elle ne règle
rien, ne vérifie rien, tire sur nous et s'entête !
Journées du 12 au 15 août l916, nouvelle attaque allemande sur le fort de Souville. Témoignage de A. BARON, caporal au 70e R.I. : "
Du 12 au 15 août, tous les jours, bombardements violents, et tous
les jours, nos canons tirent trop court.
|