Les tranchées
Après la bataille de
la Marne du 5 au 10 septembre 1914, et le repli des Allemands jusqu'à
l'Aisne, Allemands et Français tentent de se déborder l'un
l'autre. Cette manuvre entraine un glissement du front vers les
Flandres et prend improprement le nom de " Course à la mer
". Si les premières tranchées de 1914 sont creusées hâtivement, les premiers mois de 1915 voient se mettre en place un redoutable système défensif tout au long du front. La réalisation est méthodique et minutieuse, et les moyens mis en uvre sont très importants. En quelques mois, la tranchée a perdu le caractère temporaire qu'elle avait initialement, et elle est devenue un véritable mode de vie. Les tranchées ne sont pas une nouveauté.
Depuis l'antiquité, les différents sièges ont permis
d'acquérir une certaine maitrise sur le sujet. Cependant, la guerre
de 1418 va pousser la technique à son extrême. Il est donc réglementé dans
les manuels militaires toute une série de concepts importants à
suivre dans la réalisation d'un dispositif de tranchées.
Le point crutial est qu'il doit être composé de plusieurs
catégories de tranchées qui se différencient chacune
par leur fonction. Chaque catégorie possède en théorie
une forme, une largeur, une profondeur, des dispositifs et des aménagements
différents des autres :
Tranchée de tir ou tranchée
de premières lignes :
Sa morphologie est étudiée
afin que l'ennemi ne puisse pas voir si elle est occupé ou non.
Sa largeur est d'environ 1 m 50. Elle est assez profonde pour que les
hommes puissent circuler debout sans être inquiétés
des tirs de l'ennemi. Au sol, un étage est conservé vers
l'avant, il porte le nom de " banquette de tir ". Debout sur
ce promontoire, les hommes peuvent surveiller la tranchée adverse
et tirer. Dans la tranchée, différents aménagements peuvent être entrepris : Les bords de la tranchée peuvent être renforcés de sacs de terre ; Des caillebotis de bois (treillages réalisés de fines branches) peuvent être disposées contre les parois, ils servent à les renforcer et à absorber la dilatation que leurs causent les intempéries et les vibrations des bombardements ; Le sol peut être rehaussé de planches de bois afin de préserver les hommes de l'humidité et de la boue ; Les banquettes de tir peuvent être renforcées de planches de bois... .......
Tout au long de la tranchée, des
postes d'observation sont installés Ils sont placés stratégiquement
aux endroits ou le relief permet la meilleure vision de la tranchée
adverse. A espace régulier, des abris couverts dit "abris léger" ou "sapes" sont aménagés. Ils peuvent abriter 6 à 8 hommes. Ils doivent être creusés sous plusieurs mètres de terre et renforcés de rondins et de poutres de bois afin de pouvoir résister à un bombardement de petits calibres tels que les 77 et 105 mm. ..
En général, les tranchées de premières lignes sont suivies d'un réseau de fils barbelés plus ou moins dense. C'est le moyen de défense le plus rapide et le plus facile à mettre en place sur une grande étendue. De plus, il est peu onéreux, facile à produire, léger, peu encombrant avec son stockage en rouleaux, relativement facile à acheminer jusqu'aux tranchées de première ligne, pouvant être mis en place par peu d'hommes et très difficile à détruire par les bombardements. Pour toutes ces raisons, il est employé massivement.
Tranchée de communication : Les changements de directions doivent être nombreux et aménagés afin de permettre un croisement facile. En effet, le boyau de communication est sujet à une multitude de va et vient : les brancardiers qui évacuent les blessés sur les brancards, les " hommes soupes " qui amènent les repas, les hommes de ravitaillement chargés de munitions et de matériels diverses, les coureurs qui rejoignent les postes de commandement ainsi que les officiers qui vont y chercher les ordres, les troupes qui relèves ou qui sont relevés... ... La plupart du temps, ce n'est qu'à ces changements de direction que tout croisement est possible. Il en existe plusieurs formes. Ces boyaux ont un point faible, en cas d'invasion des premières lignes par l'ennemi, ils facilitent la progression de ce dernier vers l'arrière. Il est donc impératif de mettre en place tout au long du boyau des points fortifiés. Ils servent alors à ralentir les éventuels assaillants qui emprunteraient le boyau.
Tranchées d'appuis ou tranchées
de secondes et troisièmes lignes : Cette tranchée est donc aménagée en conséquence avec des abris volumineux et robustes. Ils sont en théorie recouvert d'un minimum de 6 mètres de terre, possèdent 2 sorties et leurs parois sont bétonnées. De tels abris sont capables de résister aux obus de gros calibres tels que les 380 et 420 mm.
Le poste de commandement est équipé de lignes téléphoniques et de pigeons voyageurs. Le poste de secours dispose d'équipements permettant les opérations d'urgences et la réalisation des premiers soins en attendant de l'évacuation des blessés vers l'arrière. La tranchée est renforcée de mortiers de tranchées, les " crapouillots " (voir le thème sur "L'artillerie de tranchée"). Dans certains cas, le dispositif est renforcé
d'une troisième ligne. Elle sert alors de tranchée de ravitaillement
avec des entreposages de munitions, de matériels et de provisions.
Elle accueille les blessés et les dirigent vers les relais d'ambulances.
Elle sert la aussi de lieu de repos pour les hommes. .Ces 2 photos montrent un échantillon de toutes les formes de tranchée. |
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Les tranchées de première, seconde et troisième ligne sont en formes de traverses. On remarque quelques postes d'écoute devant la tranchée de première ligne en haut. Les boyaux de communication sont soit en vagues soit en zigzags. |
Nous voyons ici une longue tranchée en forme de traverses tournantes et un boyau en traverses. En face, une tranchée en forme de vagues. |
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Les tranchées à
Verdun : Le 21 février, lorsque débute
l'offensive allemande, le bombardement sans précédent qui
s'abat sur les positions françaises anéantie purement et
simplement les tranchées de premières et de secondes lignes. Témoignage du caporal MARQUOT du 156e R.I.: " Partis de Charmes, nous avons marché toute une journée et toute une nuit et nous sommes arrivés à la côte du Poivre le 25 février au début du jour. On nous avait dit : "Nous ne savons pas où est l'ennemi, allez de l'avant jusqu'à ce que vous le rencontriez et là, fortifiez-vous sur place.""
" Se fortifier sur place ", en langage militaire de la première guerre mondiale signifie creuser une tranchée. Il est possible de creuser une tranchée (ou un semblant de tranchée) sous le feu de l'ennemi. Chaque homme se regroupe par binôme, alors qu'un homme se charge de défendre, l'autre creuse. La terre qui est extraite est poussée sur l'avant. Une fois que le trou est assez large et profond pour les 2 hommes, il est relié aux trous d'à côté. Au final, est obtenu une sorte de tranchée irrégulière mais qui peut être améliorée par la suite si des accalmies le permettent.
A Verdun, le bombardement est tellement violent tout au long de la bataille, et les lignes tellement disputées, que très peu de tranchées peuvent être organisées. Les positions d'où se battent les soldats ne sont dans la plupart des cas, que de simples boyaux étroits composés de trous d'obus reliés les uns aux autres. Dans ces tranchées, aucun abri digne de ce nom ne peut être creusé car les combats et les bombardements sont trop intenses. Les soldats se bornent à creuser des trous individuels dans les parois pour se protéger des éclats d'obus et de la pluie. Ces abris de fortunes ne peuvent en aucun cas résister aux obus de moyens et gros calibres. Plus en arrière, des
abris plus importants parviennent néanmoins à être
réalisés durant la bataille, mais les conditions extrêmes
des combats empêchent tous aménagements convenables et décents
de ces lieux. Tout au long de la bataille de Verdun,
et durant toute la guerre d'ailleurs, une différence peut être
faite entre les tranchées allemandes et françaises. Une comparaison peut être faite, dès maintenant, entre les deux méthodes, l'allemande et la française. Un fantassin français, fait prisonnier au début de mars, est conduit dans les tranchées allemandes du bois de Forges : "Quelles tranchées !"écrit-il. Le sol, large d'un mètre, est dallé ; les murs sont en pierre avec des joints cimentés ; ils ont trois mètres de haut avec un chemin de ronde à 1 m 50 ; tout dans le fond, des abris " Il en résulte que tout au long de
la guerre, les soldats français ont toujours été
plus mal lotis que les Allemands. Dans un même secteur du front,
ils ont souvent beaucoup plus souffert de leurs conditions de vie dans
les tranchées que leurs adversaires. |